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La Vestale de Spontini

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Editore / Giornale :
Data di pubblicazione :

Académie impériale de musique.
La Vestale

L’histoire des Vestales n’occupe pas une petite place dans les fastes de l’antiquité. Le ministère de ces filles sacrées est lié à un grand nombre de faits importans, & quelques auteurs regardent leur institution comme un des plus grands ouvrages de la politique romaine. Numa passe pour le fondateur de cet Ordre, ou du moins pour l’auteur de son établissement à Rome, car il y avait, long-temps avant le règne de ce pieux monarque, des Vestales chez les Albains, chez les Volsques & les Sabins ; & l’on en cite pour preuve la naissance illégitime de Romulus, dont la mère, Rhé-Sylvia, était, à Albe, prêtresse de Vesta.

Il n’y avait dans l’origine que quatre Vestales à Rome. Tarquin l’ancien ou Tullius Servius crut devoir en ajouter deux ; &, depuis, ce nombre ne changea plus.

Leur occupation principale consistait à garder soigneusement le feu sacré & le mystérieux Palladium de la république ; elles faisaient vœu de chasteté pour trente années de leur vie, au bout desquelles elles devenaient entièrement libres. Comme elles n’avaient pu être admises dans l’Ordre au-dessous de six ans, ni au-dessus de dix, celles qui rentraient dans la classe des femmes à marier, ne pouvaient avoir ni moins de trente-six ans, ni plus de quarante. C’était peut-être encore l’âge de l’amour, mais ce n’était plus du moins celui des folies.

La Vestale qui, par négligence, laissait éteindre le feu sacré, était dépouillée de tous ses vêtemens, & subissait le supplice du fouet, en présence du grand pontife, qui avait seul le droit d’assister à l’exécution de la sentence. On enterrait toute vives celles qui, plus coupables encore, avaient violé le vœu de chasteté. Leurs amans étaient attachés à un poteau où ils expiraient sous les verges.

C’est une faute, ou si l’on veut, un crime de ce genre qui a fourni le sujet de la tragédie lyrique en trois actes, représentée hier avec un grand succès sur le théâtre de l’Académie impériale de Musique. Le trait historique sur lequel la pièce est fondée, se trouve consigné, dit l’auteur, dans le livre de Winkelmann intitulé : Monumenti veteri inediti. Nous n’avons point lu ce savant ouvrage ; mais il nous semble que pour trouver l’exemple d’un jeune audacieux s’introduisant de nuit dans le temple de Vesta, M. de Jouy n’avait guère besoin d’aller chercher chez l’étranger de ces ouvrages inédits ; de pareils faits ne manquent pas plus dans l’histoire très-connue des Vestales, que dans celle de nos couvens de filles, & l’un des bons ouvrages de l’abbé Nadal lui en fournissait à choisir, qui n’étaient ni moins constatés, ni moins dramatiques que l’anecdote de Winkelmann. Tite-Live, Plutarque & Suétone racontent d’ailleurs à ce sujet des aventures assez curieuses.

Voici toutefois la fable de M. de Jouy, & l’analyse de sa pièce :

Licinius, général romain, revient à Rome recevoir les honneurs du triomphe, & se flatte de l’espoir d’épouser Julia, son amante, qu’il n’a pas vue depuis cinq ans ; mais cette fille infortunée a été forcée par ses parens d’entrer au nombre des Vestales, & elle vient de prononcer ses vœux. Licinius, au désespoir, conçoit le dessein téméraire de la délivrer, & en fait la confidence à un ami (Cinna) qui veut en vain l’en détourner.

Cependant le triomphe s’apprête ; Licinius doit, suivant l’usage, recevoir la couronne des mains d’une Vestale, & c’est justement à Julia que le hasard procure cet honneur.

Le cortège paraît ; Licinius descend de son char triomphal, s’agenouille devant la jeune prêtresse, & pendant qu’elle lui pose la couronne sur la tête (non sans émotion, comme on peut le croire), il la prévient à voix basse qu’elle recevra sa visite dans la nuit. La cérémonie continue, des jeux, des danses, des combats de gladiateurs se succèdent, & le cortège retourne au Capitole.

La scène change au 2e acte, & se trouve transportée dans le temple de Vesta, où Julia chargée de veiller à la conservation du feu sacré, attend avec une impatience mêlée de terreur, l’arrivée de son audacieux amant. Le sort en est jeté, s’écrie-t-elle passionnément :

… Ma carrière est remplie
Viens, mortel adoré, je te donne ma vie
& le mortel adoré paraît…

Toute cette scène se passe en transports d’amour ; Julia & Lucinius, ivres de bonheur, veulent enfin consacrer leur union par un vœu sur l’autel de Vesta ; mais le feu céleste s’éteint tout à coup. Cinna, qui veillait près de là à la sûreté de son ami, accourt & l’entraîne hors du temple ; le Pontife paraît ; déclare que deux Romains ont profané l’enceinte sacrée ; interroge Julia, qui confesse son crime ; fait dépouiller cette infortunée de ses ornemens religieux ; lui jette un voile noir sur la tête, & ordonne qu’elle soit conduite au champ d’exécration (sceleratus ager), qui est le lieu destiné au supplice des Vestales criminelles.

Licinius & Cinna y arrivent avant elles ; le premier rencontre le Pontife, lui parle en faveur de Julia, & ne pouvant parvenir à le fléchir, essaye de l’intimider ; mais le supplice n’en est pas moins sur le point de s’achever ; Julia paraît, on lui prononce son arrêt fatal ; déjà elle descend la première marche du souterrain qui doit à jamais se refermer sur elle… Licinius accourt & s’écrie :

Arrêtez ministres de la mort !
… Vous allez immoler l’innocence.
C’est moi qui de Vesta mérite la vengeance ;
Je suis seul criminel ; ordonnez de mon sort.

Julia non moins généreuse, s’écrie de son côté :

Il vous trompe Romains, je ne le connais pas.

Et tous les spectateurs frappés d’admiration pour ce dévouement réciproque se rangent du parti de Licinius.

Julia résignée descend dans le souterrain ; un combat furieux s’engage ; Lucinius & Cinna délivrent la victime qu’ils rapportent évanouie, & Vesta termine enfin cette scène scandaleuse par un miracle des plus brillans, qui équivaut à une amnistie. Le feu se rallume sur l’autel, & Julia relevée de ses vœux, épouse son libérateur.

Cette pièce de M. de Jouy mérite son grand succès ; si les critiques scrupuleux trouvent à blâmer dans son style plusieurs termes impropres, des locutions pénibles, des épithètes oiseuses ; en un mot, quelques négligences, fussent-ils cent fois plus difficiles encore, ils avoueront que le dialogue est généralement bien coupé, qu’il est vif, noble & pathétique, & que la gradation de sentimens y est surtout parfaitement observée.

L’intérêt essentiel du sujet nous a paru acquérir beaucoup de force dans les développemens ; la marche est régulière, rapide, intéressante ; aucune des situations ne demeure sans effet, si ce n’est peut être celle où Licinius se hâte de confesser, dans le champ d’exécration, qu’il est l’amant de la Vestale. Cet aveu a paru trop brusque ; la scène de nuit où le feu sacré s’éteint sur l’autel (au 2e acte), a produit une vive sensation, malgré la maladresse de je ne sais quel garçon machiniste, qui s’est amusé, pendant ce temps, à hausser & baisser sa rampe, de la façon la plus impertinente.

Le moment où l’ont dépouille Julia de ses riches vêtemens, & où le souverain pontife lui jette un crêpe noir sur la tête, a aussi paru très-dramatique.

Il s’en faut bien que la musique soit la partie faible de cet opéra ; elle a complétement réussi, & l’on peut dire qu’elle fait le plus grand honneur à la verve lyrique de M. Spontini.

Ce n’est pas néanmoins que tout y soit également bon ; le même motif se reproduit trop souvent dans l’ouverture ; l’air de Cinna, au 1er acte : Dans le sein d’un ami fidèle, manque de couleur & d’expression : & enfin, le duo de Licinius & de Julia, au 2d acte, a été froidement écouté. Mais tout le reste est du plus beau caractère. Parmi les morceaux qu’on a généralement applaudis, nous avons remarqué ce duo plein de sentimens : Quand l’amitié seconde mon courage ; cet air de Julia : Impitoyables dieux, suspendez la vengeance ; où les de la passion la plus impérieuse semblent avoir été notés avec du feu. Le magnifique finale du second acte, qui est enfin ce chœur général : Ô terreur ! ô disgrâce ! où l’effroi, l’indignation & le désordre du peuple & des soldats sont exprimés avec une énergie pittoresque, dont nous ne pourrions donner qu’une faible idée.

En général la musique de M. Spontini est pleine de verve & de mélodie ; & quand il sacrifie aux grâce, ce n’est presque jamais aux dépens du caractère dramatique.

Les décorations sont dignes de l’ouvrage, notamment celle du premier acte qui représente le forum, & celle du champ d’exécration, où ; indépendamment de la disposition du site, on ne se lasse pas d’admirer l’un des plus beaux effets de clair de lune qui aient encore été imité au théâtre.

Les ballets & le cortège triomphal sont aussi fort beaux ; l’entrée de Licinius sur son char est véritablement imposante ; mais sa sortie à pied nous a paru mesquine : ne pourrait-il pas s’en aller comme il est venu ?

Mme Branchu a joué & chanté avec un grand talent le rôle de la Vestale, & l’on a vivement applaudi le pas de deux dansé au 1er acte par Mmes Gardel & Chevigny.

Cette intéressante représentation a été honorée de la présence de S. M. l’Impératrice-Reine, qui a reçu, en paraissant, les témoignages les plus éclatants de l’enthousiasme général.

Persone correlate

Compositore

Gaspare SPONTINI

(1774 - 1851)

Opere correlate

La Vestale

Gaspare SPONTINI

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Étienne de JOUY

Permalink

https://www.bruzanemediabase.com/it/node/19576

data di pubblicazione : 21/09/23