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Les premières représentations. Hulda

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Les premières représentations
(Par dépêche)
Théâtre de Monte-Carlo. — Hulda, opéra en cinq actes, de César Franck.

Je suis frappé d’admiration par cette œuvre superbe, dont l’effet a été considérable.

Le premier acte est empreint de pittoresque, marqué d’une couleur sombre et sauvage, plein de véhémence, de terreur. Le second débute par le délicieux lied des hermines et contient le pas des épées. L’accent en a été martial, le rythme original, la sonorité expressive. Au troisième acte, le magnifique duo d’amour, d’une puissance de passion, d’un charme enveloppant, d’une tendresse incomparable, qui est peut-être le plus beau parmi la musique française contemporaine. Il a été acclamé, redemandé d’enthousiasme. Au quatrième acte, le ballet avec chœurs est exquis de poésie et de grâce ; il abonde en inventions symphoniques et la personnalité des motifs en fait un des plus parfaits ballets qui soient. L’introduction orchestrale du cinquième acte, pleine de largeur, de force, de légèreté et de charme, est curieuse par l’opposition entre les cuivres et les bois, entre des événements terribles et la douceur d’une vie rustique. L’épilogue est plutôt dramatique que musical.

César Franck avait seulement une réputation auprès de quelques initiés. Même les dilettanti connaissent peu ses compositions. La foule ignorait son nom. Ses élèves, les plus distingués musiciens de la jeune école française, attestaient seuls le mérite du grand professeur. Modeste, sans intrigue, il composait par le mouvement de son génie intérieur et n’espérait point la renommée. À peine si quelques-unes de ses pièces symphoniques furent exécutées et Dieu sait en quelles conditions ! Durant les dernières années de sa vie, pour ses ouvrages lyriques, il ne gardait nul espoir de représentation et il pouvait dire comme Berlioz devant les Troyens : « O mon Hulda ! je ne te verrai jamais ! » La partition en était sur son lit quand il mourut, et maintenant voici Hulda au premier rang de la musique dramatique. Elle entrera certainement à l’Académie nationale de musique, sa vraie place. Les directeurs ne peuvent se dérober à ce devoir.

Le livret est médiocre. Il est tiré du roman de Bjœrnson par M. Grandmougin, fâcheux poète. Hulda, femme fatale dont le père et les frères ont été tués par ses ennemis familiaux, les Aslatis, est emmenée captive en Norvège. Elle jure d’en tirer vengeance. Gudeilts, fils aîné d’Aslati, veut épouser Hulda, mais elle est devenue la maîtresse d’Eiolf. Les deux hommes se battent. Aslati est tué. Elle est bientôt abandonnée par Eiolf qui retourne à Swanhilde, sa fiancée. Hulda, pour punir le perfide, lance sur lui les frères de Gudeilts. L’amant est massacré. Hulda monte sur le rocher à pic et se précipite dans la mer.

L’ouvrage, par l’impétueux et le généreux de l’inspiration, évoque le souvenir de Tristan et Yseult. Mais si on retrouve la marque de l’influence excellente de Wagner dans la disposition du troisième acte et dans l’introduction du cinquième, le génie de César Franck est libre, indépendant ; il a la sérénité et la passion, la véhémence et la grâce, la couleur et le pittoresque, avec une science technique sans rivale. La matière de son orchestre est de la plus grande complexité harmonique, et nulle part n’apparaît l’ennui. La trame est pleine, serrée, résistante et d’une pureté de ligne monumentale. L’œuvre est une magnifique affirmation de personnalité, de science et d’abondance d’idées. L’inspiration a de la force, de la poésie, de la grâce, de la puissance d’action.

Entre tant de directeurs rétrogrades, routiniers incapables d’initiative, M. Raoul Gunsbourg affirme une initiative artistique, un besoin d’activité et de nouveauté. En quatre ans, on lui doit quatre méritoires et intéressantes divulgations : la Vie pour le Tsar, les Troyens, la Damnation de Faust et Hulda. Cette fois nous n’oublierons pas, quand le drame lyrique de César Franck sera restitué à l’Opéra de Paris, quel fut son inventeur. Le premier mérite de l’interprétation appartient à l’orchestre, supérieurement dirigé par M. Jehin, un musicien digne d’un grand pupitre et méritant toute notre approbation.

Voix timbrée et puissante de Madame Deschamps pour Hulda, mais prononciation incertaine, déclamation sans netteté, malgré l’effort de bonne volonté. Mme d’Alba a un organe frais et facile ; Mme Mounier, une voix solide de contralto ; M. Saléza, de la chaleur et de l’action dramatique, avec une voix de métal sonore et souple. M. Chérie est un chanteur intelligent, de bon style, d’articulation énergique. Pareilles qualités en Farbe.

Le ballet est dansé excellemment par la précieuse fée, de grâce et d’artistique plastique, la Zucchi, et par la Bella, qui personnifient l’Hiver et l’Été.

HENRY BAUER.

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Charles GRANDMOUGIN

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data di pubblicazione : 02/11/23