Hulda de C. Franck

THÉÂTRES

Théâtre de Monte-Carlo : Hulda, opéra inédit, en quatre actes et un épilogue, poème tiré d’une légende scandinave de Bjoernsterne Bjoernson, par M. Charles Grandmougin, musique de César Franck.

Grâce à la très audacieuse et très artistique initiative de M. Raoul Gunsbourg, le grand compositeur français César Franck, qui n’était connu du monde musical que comme un symphoniste de premier ordre, peut désormais compter parmi les maîtres du théâtre.

L’auteur des Béatitudes est mort sans avoir pu faire exécuter sur aucune scène cette Hulda dont la partition avait été si longtemps caressée par le célèbre musicien.

Le jeune et ardent directeur du théâtre de Monte-Carlo a choisi Hulda parmi tous les ouvrages qui lui avaient été proposées. À lui revient l’honneur d’avoir, le premier, cru au génie « dramatique » de César Franck, génie que vient de consacrer la magnifique représentation de dimanche.

C’est par des acclamations unanimes, par des bravos enthousiastes et sincères que le nom de César Franck a été salué à la fin du spectacle. Et notez que le public se composait des connaisseurs les plus érudits et les plus délicats ; qu’il y avait là, outre le monde officiel qui compose la très intelligente petite cour de Monaco, les critiques musicaux les plus célèbres, des musiciens, des artistes accourus de Paris et de toute la France pour assister à cette belle manifestation artistique.

Le triomphe incontesté de Hulda est une consécration définitive du nom de César Franck.

Il est juste de reconnaître que ce triomphe, le metteur en scène, l’impresario, M. Gunsbourg l’a bien préparé et a droit d’en revendiquer une bonne part personnelle : l’interprétation de Hulda est absolument supérieure et digne de l’œuvre. Mme Deschamps-Jehin, M. Saléza, Mme d’Alba, M. Lhérie, M. Fabre sont des artistes dont la réputation est universelle.

Dans le ballet, les deux danseuses les plus célèbres de l’école italienne, Mlles Virginia Zucchi, — la créatrice de Siéba, — et Bella, — la créatrice d’Amore, — ont, réunies pour la première fois sur la même affiche, rivalisé de grâce et de talent.

Parmi les décors, il en est un surtout qui a produit une sensation considérable : imaginez un sombre tableau de plein hiver, un effet de neige terrifiant et lugubre se transformant, — sans le moindre mouvement de machinerie, — en un frais et riant paysage printanier, tout fleuri, tout ensoleillé. Cette ingénieuse et charmante trouvaille de mise en scène a produit beaucoup d’effet.

Est-il nécessaire d’ajouter que l’orchestre de Monte-Carlo, cette admirable phalange composée de quatre-vingts instrumentistes de premier ordre, s’est, sous la conduite de son célèbre et digne chef M. Léon Jéhin, surpassé une fois de plus dans l’exécution de la sublime musique de César Franck ?

Il ne nous reste plus qu’à formuler un vœu, c’est de voir le plus tôt possible se réaliser la prédiction que tous les spectateurs parisiens ont adressée à M. Choudens, l’éditeur de cette œuvre magistrale, et à M. Georges Franck, le fils du maître, qui assistaient à cette inoubliable soirée.

Hulda ne saurait manquer d’être représentée à Paris, où son succès est certain. Grâce à M. Raoul Gunsbourg, nous en avons aujourd’hui la preuve par expérience.

Fernand Bourgeat.