Une répétition de la Montagne noire à l’Opéra
« Une répétition de la Montagne noire à l’Opéra »
Nos lecteurs prendront certainement plaisir à se voir, grâce au curieux dessin de M. Paul Destez que nous publions dans le présent numéro, transportés dans la salle de l’Opéra à une heure où les portes en sont rigoureusement fermées au public.
Grâce à l’indiscret et habile crayon de notre collaborateur, nos lecteurs sont, pour ainsi dire, admis à assister à une des répétitions intimes de la Montagne Noire, le nouvel opéra de madame Augusta Holmès, dont la première représentation annoncée pour la fin de ce mois sera un des gros événements artistiques de la saison musicale de Paris.
C’est d’une « répétition d’orchestre » qu’il s’agit : les instrumentistes sont dirigés par M. Taffanel. Sur la scène, devant le « trou du souffleur », assise à cette petite table, sous la lumière de cette modeste lampe dont la clarté est tamisée par un simple journal chiffonné, nous voyons madame Augusta Holmès qui chante toutes les mélodies de son œuvre et en suit l’accomplissement sur la partition ouverte devant elle.
Madame Augusta Holmès, — ceci soit dit pour ceux qui n’ont pas eu la joie de l’entendre, — n’est pas seulement un compositeur de haute valeur (dont les Argonautes au Châtelet et le Triomphe de la République au Palais de l’Industrie ont révélé le rare mérite), c’est encore une cantatrice qui eût fait sensation, si elle avait borné ses ambitions à interpréter les airs des autres au lieu d’en créer elle-même.
Mais, aux répétitions, elle se contente d’indiquer à l’orchestre les « mouvements » de toutes les parties vocales de sa partition : elle remplit tous les rôles masculins et féminins, depuis ceux de la basse profonde, du baryton et du ténor jusqu’à ceux du contralto et du soprano…
Et elle chante ainsi plusieurs heures durant, sans jamais se fatiguer. Si parfois elle s’arrête, c’est pour complimenter gracieusement MM. les professeurs de l’orchestre…
À côté de madame Holmès est assis M. Gailhard, ce directeur-artiste qui s’est épris d’un si bel enthousiasme pour la Montagne noire, qu’il en a établi la mise en scène entière, tout seul, par écrit, la nuit chez lui avant d’en conduire toutes les répétitions sur la scène.
Et ce n’est pas une mince besogne, allez ! Il y a, dans la Montagne noire, une énorme figuration, des chœurs nombreux et très importants. Il a fallu pour « faire manœuvrer » tout cela que M. Gailhard fût un véritable « stratégiste ».
À gauche de la table se tient M. Lapissida, le célèbre régisseur général de l’Opéra, le metteur en scène merveilleux qui monta le premier Sigurd à Bruxelles et qui, aujourd’hui, est le très zélé et précieux collaborateur de M. Gailhard.
À droite, nous voyons M. Mangin, l’éminent chef du chant et de l’orchestre de l’Opéra, dont la récente nomination au grade de chevalier de la Légion d’honneur a été accueillie avec tant de joie dans le monde artistique.
Derrière le rideau de fer, dont le réseau transparent et la fantastique armature forment un fond si bizarre à ce tableau vivant, on aperçoit des portants, des châssis des praticables éclairés par-ci par-là par des lanternes électriques qui « piquent » des étoiles dans l’immensité obscure de la scène…
Ces praticables, ces portants, ces châssis, ce sont les décors de la Montagne noire, des merveilles de grandeur et d’art qui soulèveront des cris d’admiration…
C’est qu’ils sont beaux, ces paysages des Balkans où se déroulent les péripéties de…
Mais qu’allais-je faire ? J’allais, je crois, dépasser les bornes de l’indiscrétion permise !
Que nos lecteurs prennent patience : avant un mois, la Montagne noire n’aura plus de secrets pour eux.
Fernand Bourgeat.
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data di pubblicazione : 31/10/23