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Thaïs

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« THAÏS »
UNE GRANDE « PREMIÈRE » AU THÉÂTRE DE L’OPÉRA
Avant la répétition générale – Une œuvre pas banale – La collaboration de M. Anatole France – Livret « presque en vers ».

Un reproche que l’on ne pourra pas faire à Thaïs, que répète généralement, ce soir, l’Opéra, c’est celui d’être une œuvre banale. Peu ordinaire, en effet, dans sa conception, dans sa préparation et son exécution, l’ouvrage de MM. Gallet et Massenet. Certain jour du commencement de 1892, le compositeur du Roi de Lahore, enthousiasmé de la forme et du fond du livre d’Anatole France, s’en alla trouver le maître prosateur et lui demanda l’autorisation de mettre en musique l’action tout à la fois simple et passionnée, les sentiments tour à tour mystiques et profondément humains de Thaïs.

– Très volontiers, lui répondit l’auteur, mais à une condition c’est que vous prendrez un librettiste. Découper, remanier mon texte moi-même me découragent et m’effrayent.

Depuis, ce philosophe, détaché des choses de ce monde en général et de l’Opéra, en particulier, ne donna signe de vie qu’une fois pour transmettre au dessinateur ses rêves de coiffures et de costumes, en cette pittoresque époque de décadence byzantine. Comme il doit se féliciter, nous disait un familier de Massenet, que la nouvelle prosodie de Louis Gallet ne puisse monter jusqu’à son cinquième de la rue de Sontay, perdue, là-bas, vers le bois de Boulogne ! Elle n’aurait qu’à ne pas lui plaire !…

Poème mélique.

Car (seconde étrangeté) M. Louis Gallet a écrit son livret, comme il l’avoue crânement, « presque en vers ».

Le poème de Thaïs est, suivant la dénomination grecque, un poème mélique, c’est-à-dire qu’il observe les rigueurs de l’art poétique, sauf qu’il s’affranchit, à quelques exceptions près, de l’obligation absolue de la rime.

Une demi-concession à Massenet qui se souvenant des tortures imposées au rythme musical par le rythme poétique, et réciproquement, avait demandé de la prose.

Quant à la musique, d’après les confidences d’un musicien de l’orchestre de l’Opéra, elle sort tout à fait des formes solennelles et poncives de l’Académie nationale de musique, et n’a son pendant dans aucune des productions précédentes de Massenet.

Cela tient, à la fois, de l’opéra, de la féerie et de l’opéra-comique. L’orchestration, quand même, est restée merveilleuse, et les effets de timbre en sont extraordinaires.

On sait, d’ailleurs, qu’au mois de juillet 1892, lorsque le compositeur écrivit ses premières notes, à sa propriété de Pont-de-l’Arche, dans l’Eure, il avait en vue l’Opéra-Comique et Mlle Sibyl-Sanderson, la créatrice de Manon et d’Esclarmonde. Plus tard, l’œuvre ayant pris une ampleur inespérée, et l’interprète rêvée fuyant vers l’Opéra, la partition émigra avec elle.

Thaïs continuera pouvant, à s’appeler, sur l’affiche comédie lyrique en trois actes et sept tableaux, paroles de Louis Gallet, d’après le roman d Anatole France, musique de J. Massenet.

Et maintenant, au rideau !

De la cabane au palais.

Le théâtre représente la Thébaïde, au bord du Nil, qui coule au fond du décor. Ça et là, les cabanes des cénobites, bâties de branchages et d’argile. Douze anachorètes et le vieux Palémon (M. Delpouget) sont assis autour d’une table rustique. Entre Athanaël (M. Delmas) abbé d’Antinoé, le Paphnuce du roman, qui revient de mission, le cœur plein d’amertume et d’affliction ; une comédienne, prêtresse infâme du culte de Vénus, livre toute la ville d’Alexandrie au péché. Il l’a, lui-même, connue autrefois,

Mais Dieu l’a préservé de cette courtisane,
Qu’il voudrait regagner au Ciel.

La nuit vient, les moines, après avoir prié, se retirent, chacun dans leurs cabanes.

Athanaël, endormi, voit, en rêve, l’intérieur du théâtre, à Alexandrie ; sur la scène, Thaïs, à demi-vêtue, mais le visage voilé, mime les amours d’Aphrodite. Il se réveille, scandalisé, et part pour délivrer cette malheureuse des liens de la chair.

Deuxième acte : premier tableau la terrasse de la maison du philosophe sybarite Nicias (M. Alvarès), à Alexandrie. Au fond, au bord de la mer, la ville, dont les toits étincellent dans la vapeur rose.

Pendant qu’Athanaël maudit la belle cité,
Comme un temple hanté par les esprits impurs

Nicias apparaît, les bras appuyés sur les épaules de Crobyle (Mlle Marcy) et de Myrtale (Mme Héglon) deux belles esclaves rieuses. Le sage et le fou se jettent dans les bras l’un de l’autre ; ils ont été compagnons d’études.

– Tu connais Thaïs ? demande Athanaël.

– Certes, répond Nicias, elle est mienne encore pour un jour.

– Je veux la ramener à Dieu ! s’écrie le missionnaire, et il s’habille avec richesse, afin de prendre part au souper de séparation que le sybarite offre, le soir, à l’infidèle.

– Crains d’offenser Vénus, la puissante déesse, lui recommande son ami.

La blonde Thaïs « aux yeux de violette », les oreilles encerclées d’or, vêtue de tissus diaphanes, paraît, précédée d’un cortège de philosophes invités au banquet, d’histrions, et de comédiennes.

En vain, la belle amoureuse invite Athanaël à se couronner de roses.

Non ! je hais vos fausses ivresses,
Non ! ici je me tais, mais j’irai, pécheresse,
J’irai, dans ton palais, te porter le salut !

répond-il, tandis que, de droite et de gauche, un double rideau de soie havane brodée d’or vient se joindre à l’avant-scène et indique la fin du tableau.

Moine et courtisane.

Court entr’acte, durant lequel l’orchestre exécute un poème symphonique sur les amours d’Aphrodite et d’Adonis.

Second tableau : la grotte des Nymphes, chez Thaïs. La courtisane est triste ; elle songe qu’un jour elle vieillira et qu’elle ne sera plus Thaïs :

Vénus, enchantement de l’ombre,
Dis-moi que je suis belle et que je serai belle
Éternellement !

Athanaël accourt lui prêcher les délices de la pieuse félicité, qui ne finira jamais.

L’amour que je t’apporte est le seul glorieux.

– Eh bien, fais-moi connaître cet amour mystérieux, répond Thaïs.

Et, dans la fumée de l’encens, elle murmure une invocation à Vénus.

– Seigneur, pitié ! balbutie le chaste moine, troublé au plus profond de son être. Mais il s’est vite reconquis ; déchirant sa robe d’emprunt, il montre son cilice, et convertirait peut-être l’impie à l’amour du Christ si la voix de Nicias, rappelant le passé, ne se faisait entendre au-dehors :

Je ne crois plus rien, et je ne veux plus rien,
Ni lui, ni toi, ni ton Dieu !

ricane la pécheresse affolée.

Troisième tableau : Avant le jour, une place devant la maison de Thaïs ; au fond, une maison de plaisir.

Thaïs, touchée par la grâce, s’en vient trouver Athanaël, qui dort sur le pavé, au seuil de sa maison. Ils vont donc partir vers un monastère où des femmes vivent, pareilles à des anges.

Leur mère est Albine, la fille des Césars. Mais, auparavant, il faut anéantir tous les vestiges d’un passé infâme. En morceaux la statue d’Eros, au feu toutes les richesses !… Ils entrent dans ta maison et reparaissent bientôt, lui une torche à la main, elle vêtue d’une tunique de laine.

Nicias et ses compagnons de plaisir, qui sont sortis de la taverne, la foule des amants, des marchands, veulent s’opposer à leur départ ; on va même jusqu’à appeler Athanaël : « Cynocéphale ! » ; d’autant plus que, l’incendie éclate. La populace furieuse écharperait l’incendiaire, le ravisseur, si Nicias ne l’apaisait, en lui jetant des pièces d’or. Thaïs et Athanaël s’enfuient.

Le ballet.

Acte III : la Thébaïde ; le ciel est rouge à l’occident ; il y a dans l’air des menaces d’orage ; le chacal glapit au loin, les lions poussent des rugissements. Athanaël sort de sa cabane, les yeux fixes, l’air farouche, le corps brisé. Il confesse à Palémon que, depuis qu’il a reconquis l’âme de Thaïs, un démon le possède :

La beauté de la femme hante ses visions.

Que Dieu l’assiste ! réplique simplement le saint homme, en l’embrassant.

Il s’endort ; autour de lui, l’ombre épaisse s’éclaire d’une lueur mystérieuse. Les sept esprits de la Tentation pèsent de leurs griffes sur sa poitrine et s’emparent de son âme. Celle-ci mène le corps, son esclave, vers un décor fantastique où, à travers les transparences de dentelles noires brodées d’or que supportent des sphynx gigantesques, un ciel de lapis éclaire un paysage fleuri de roses. Et voici que, des cercles de cet enfer séduisant, montent des êtres multiformes.

Ils annoncent la venue de la Perdition (Mlle Rosita Mauri), qu’un cortège solennel accompagne, et qui, en secouant sa chevelure, en faisant sonner l’or de ses colliers, s’élance au milieu du groupe des âmes. Puis, ce sont les sirènes aux vertes chevelures, les tritons sonnant de la conque, les gnomes, esprits de la terre. En vain, les orgues sacrées font entendre leurs harmonies en vain, l’étoile de la Rédemption scintille aux profondeurs du ciel, Athanaël, sans courage pour la résistance, se laisse entraîner dans la ronde sabbatique.

L’apparition de Thaïs achève de le perdre…

Mais Thaïs va mourir ; une dernière vision la montre au nouveau saint Antoine, purifiée, rachetée, couchée sur un lit de pourpre, au milieu des séraphins et des saintes.

Ah ! la voir encore !

s’écrie Athanaël arraché à son rêve. Il s’élance et disparaît dans la nuit.

La mort de Thaïs.

Deuxième tableau : la mort de Thaïs ; le jardin du monastère d’Albine (Mlle Beauvais) ; à l’ombre d’un grand figuier, Thaïs est étendue immobile, comme morte. Ses compagnes et Albine sont autour d’elle.

Athanaël, accablé de douleur, s’agenouille ; Thaïs ouvre les yeux et le regarde doucement. Elle va lui parler de ses leçons passées : « Je t’ai menti, déclare-t-il, rien n’est vrai que la vie et que l’amour des êtres !… – Le son des harpes d’or m’enchante, murmure la mourante, de suaves parfums me pénètrent… – Je t’aime ! répète Athanaël. »

Le dernier soupir de Thaïs s’est envolé ; le moine tombe foudroyé, les traits convulsés, loin de celle qu’il aurait voulu posséder.

– Un vampire ! font les filles blanches en le désignant du doigt, tandis qu’une voix angélique implore, de très haut : « Pitié ! »

– Mais c’est presque Izéïl disons-nous à l’obligeant indiscret qui nous développa ce fidèle récit.

– Ça l’est si bien, répondit-il, que Sarah Bernhardt, qui avait demandé trop tard à Anatole France un drame d’après son roman, quand Massenet avait pris les devants, fut toute heureuse de retrouver, dans la pièce de MM. Silvestre et Morand, des sentiments et une action identiques.

– Alors, assez d’indiscrétions ?

– Vous pouvez ajouter que la première représentation aurait eu lieu un mois plus tôt, si l’incendie du dépôt de la rue Richer n’avait détruit tous les décors de Carpezat ; quelques-uns, heureusement, étaient encore chez Jambon. La mise en scène a été réglée par MM. Gailhard et Bertrand avec leur coutumière habileté ; les costumes, d’un laisser-aller charmant, côté femmes, rappellent ce goût de l’ajustement subordonné au culte de la forme que les habitants d’Alexandrie d’Égypte tenaient des Grecs, fondateurs de leur ville ; enfin, le frontispice de la partition elle-même a été orné par l’éditeur, M. Heugel, d’un ravissant médaillon sur fond d’or, où se voit le profil rose de la courtisane accolé au visage barbu du cénobite, qui pleure des larmes de sang.

– Nous l’avions bien dit : l’œuvre n’est pas banale !

Persone correlate

Compositore, Pianista

Jules MASSENET

(1842 - 1912)

Opere correlate

Thaïs

Jules MASSENET

/

Louis GALLET

Permalink

https://www.bruzanemediabase.com/it/node/19301

data di pubblicazione : 05/10/23