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Semaine théâtrale. Les envois de Rome

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SEMAINE THÉÂTRALE
Les envois de Rome.

Le Conservatoire a eu les honneurs de la semaine musicale.

Trois grands prix ont été appelés à y faire entendre leurs envois de Rome, tout comme les peintres et les sculpteurs soumettent, chaque année, leurs toiles ou leurs figures au jugement du public à l’Ecole des Beaux-Arts.

L’audition des envois de Rome est évidemment, en germe, la réalisation prochaine d’expositions annuelles des œuvres musicales, projet développé par M. Ernest l’Epine à l’Exposition Universelle de 1867.

Cette année, les envois de musique dits « de Rome » ont bénéficié d’une interprétation bien supérieure à celle de l’an dernier. L’orchestre de M. Deldevez, bien qu’encore incomplet au point de vue des instruments à cordes, nous a paru plus homogène, plus sûr des œuvres qu’il était appelé à interpréter. Les solistes chanteurs étaient aussi plus dignes de la mission tout artistique qui leur était confiée. Quant à la partie chorale défrayée par les élèves du Conservatoire, elle a fait comprendre de nouveau tous les résultats que l’on pourrait obtenir dans nos théâtres lyriques, par le concours de jeunes voix bien dirigées, bien stylées.

A ce point de vue comme à beaucoup d’autres, nos théâtres lyriques laisseront à désirer, tant qu’ils ne se seront pas créé des écoles spéciales de chant, sortes de pépinières où ils puiseront d’abord leurs choristes, puis leurs coryphées, et enfin progressivement leurs sujets de primo cartello. Il ne faut pas oublier que vingt artistes devenus célèbres, Rubini en tête, sont partis du modeste rôle de choriste, tout comme le maréchal Bugeaud de celui de simple soldat. Et pour mener à bien cette idée d’écoles spéciales de chant attachées à nos théâtres lyriques, que faut-il ? diriger tout simplement de ce côté une humble partie des subventions théâtrales, de façon à ce que les élèves choristes et coryphées puissent vivre, tout en complétant leurs études pour devenir seconds et premiers sujets. C’est ce que fait, du reste, le Conservatoire, sur une trop petite échelle, malheureusement, pour ses élèves de seconde et troisième année, en leur accordant la demi-pension et la pension entière. Car, ce Conservatoire si décrié a du bon, du très bon même. Il l’a prouvé derechef à son dernier exercice public. Sous le rapport des instruments, du solfège, de l’harmonie et de la composition, nulle école au monde ne produit autant et aussi bien que le Conservatoire de Paris. Comme déclamation dramatique, il demeure absolument incomparable. Reste la question du chant proprement dit, qui ne dépend, d’une manière absolue, ni des règlements d’une institution, ni des études, ni même des soins et du talent des professeurs, mais bien des voix et des organisations d’élite que la Providence dirige sur la rue Bergère ou ailleurs.

Or, depuis bien des années, la Providence s’est montrée, sur toute la ligne, bien avare au double point de vue des voix et des organisations vocales d’élite. En effet, si le Conservatoire n’a pas produit en ces dernières années de véritables étoiles, comme on dit aujourd’hui au théâtre, quelles ont été les autres écoles, quels sont les professeurs de talent appelés, par ailleurs, à nous en révéler ?...Partout la stérilité en dehors de la moyenne du Conservatoire, qui a encore eu la bonne fortune de nous donner récemment des artistes de la valeur de MM. Vergnet et Manoury.

Mlle Chapuy, en ces derniers temps, s’est bien élevée au rang d’étoile, mais de ses seules forces, par les seuls mérites de son organisation d’élite. Or, les organisations d’élite nous manquent plus encore que les voix. Voila la vraie raison de la stérilité vocale actuelle en France, et en bonne conscience, le Conservatoire n’en saurait être responsable. Dès qu’il rencontre des sujets, ne sait-il point les mettre en lumière ?

Ainsi, pour en revenir à l’intéressante séance des envois de Rome, où MM. Gailhard, Vergnet, Caron et Mme Brunet-Lafleur se sont si distingués, nous nous sommes demandés d’où nous venaient ces excellents artistes ? du Conservatoire. Et cet orchestre et ces chœurs, et ces prix de Rome ? du Conservatoire, toujours de cette école si discutée par les Français, si honorée par les étrangers.

Ah ! si le Stabat Mater de M. Salvayre nous arrivait de loin, ainsi que MM. Gailhard, Vergnet et Mme Brunet-Lafleur, on ne ménagerait les couronnes ni au jeune auteur ni à ses remarquables interprètes. Mais ce beau Stabat, bien qu’avec l’étiquette « d’envoi de Rome », est une œuvre parisienne, et cela refroidit l’admiration des Parisiens. Nous devons cependant convenir que, cette fois, le public s’est trouvé surpris de découvrir une partition de cette valeur sous une jeune plume française et qu’il a consciencieusement applaudi.

Espérons que le Stabat Mater de M. Salvayre sera redit, un jour, soit aux concerts Pasdeloup, soit aux concerts Colonne, ou mieux encore, par l’Harmonie sacrée de M. Lamoureux, et qu’il nous sera donné de reparler des vrais mérites de cette œuvre, qui ne comprend pas moins de huit morceaux :

1oStabat Mater dolorosa, chœur.

2oO quam tristis et afflicta, Mme Brunet-Lafleur.

3oPro Peccatis, M. Gailhard, Mme Brunet-Lafleur et chœurs.

4oEia Mater, chœur à 8 voix a capella.

5oSancta Mater ! M. Vergnet.

6oFac me vere tecum flere, Mme Brunet-Lafleur, M. Vergnet.

7oVirgo Virginum prœclara ! trio et chœur, MmeBrunet-Lafleur, MM. Vergnet et Gailhard.

8oQuando corpus morietur, chœur.

Chacun de ces morceaux est soigneusement écrit pour les voix comme pour les instruments. On y sent une main sûre d’elle-même et le plus souvent inspirée. Si les nos 6 et 7 du Stabat de M. Salvayre sont moins religieusement pensés que les précédents, on ne saurait en bonne conscience en vouloir à l’auteur, qui témoigne alors de précieuses aptitudes lyriques. M. Salvayre sait faire chanter sa musique, sans la tourmenter par d’incessantes recherches harmoniques. Comme Massenet, disciple de prédilection d’Ambroise Thomas, M. Salvayre est passé maître en science musicale, mais il n’abuse point de son savoir. Il excelle dans l’économie architecturale de sa musique qui, par cela même, se présente clairement à l’ouïe, comme à l’esprit des auditeurs, et se comprend sans fatigue. A la bonne heure, disait Charles Gounod, voilà un musicien qui ne dédaigne ni la ligne droite, ni l’accord parfait.

Bref, le succès de bon aloi de M. Salvayre, grand prix de 1870, promet un compositeur dramatique avec lequel il faudra prochainement compter.

La Nativité, première partie du Nazareth de M. Henri Maréchal, grand prix de 1870, n’a pas produit une impression aussi favorable. Cependant M. Caron y a obtenu de chaleureux bravos dans l’intermède de « l’Ange du mal ». C’est là une importante belle page dramatique qui fait honneur au mélodieux auteur de la partition des Amoureux de Catherine.

Des fragments symphoniques du si regretté Ehrhart, grand prix de 1874, moissonné dans sa fleur, hélas ! peu de choses à dire, sinon que son prélude et son intermezzo ne sauraient compter qu’à l’état d’intéressantes esquisses dont il eût peut-être bien lui-même interdit la mise au jour, si Dieu lui avait prêté vie en cette année 1876 […].

H. Moreno

Persone correlate

Giornalista, Editore

Henri HEUGEL

(1844 - 1916)

Compositore

Henri MARÉCHAL

(1842 - 1924)

Compositore

Gaston SALVAYRE

(1847 - 1916)

Compositore

Léon EHRHART

(1854 - 1875)

Permalink

https://www.bruzanemediabase.com/it/node/691

data di pubblicazione : 16/10/23