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Concours de la Ville de Paris. Le Tasse

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COUCOURS DE LA VILLE DE PARIS
LE TASSE
Symphonie dramatique de M. Benjamin Godard.

Mercredi dernier, 18 décembre, à deux heures de l’après-midi, a eu lieu, dans la salle du Châtelet, la séance d’audition du Tasse, drame-symphonique, musique de M. Benjamin Godard, livret de M. Grandmougin qui, au concours institué l’année dernière par la Ville de Paris, a partagé le premier prix avec le Paradis perdu, de M. Théodore Dubois. L’audition du Tasse a été effectuée dans les mêmes conditions que celle du Paradis perdu, par invitations et sans affiches, par les soins et grâce à la munificence de l’administration de la Ville de Paris qui, non contente d’avoir proposé aux compositeurs de musique dramatique un prix important, capable de stimuler leur émulation, a voulu assurer l’exécution des œuvres couronnées en pourvoyant largement aux frais qu’elle devait entraîner.

L’amour du Tasse pour Éléonore d’Este, sœur du duc de Ferrare, sa disgrâce, son emprisonnement, sa folie et sa mort, offrent certainement un sujet assez favorable à la musique pour qu’il y ait lieu de s’étonner qu’il n’ait encore servi de thème qu’à un seul opéra, le Torquato Tasso, de Donizetti, qui, du reste, ne compte pas parmi les grands succès de ce maître.

Comme on va le voir, l’auteur du nouveau livret a tiré bon parti de ce sujet, et a su disposer pour le musicien des scènes variées, des situations et des péripéties intéressantes.

M. Benjamin Godard, jeune encore, s’est déjà fait un nom dans l’art musical, et ses compositions de musique de chambre, ses concertos et autres œuvres symphoniques lui ont acquis une notoriété que la partition du Tasse va rendre bien autrement retentissante. Il est bien doué, et sait déjà beaucoup ; profond harmoniste, il manie l’orchestre avec une habileté et une sûreté de main peu communes ; l’inspiration est certainement loin de lui faire défaut, mais toutes ses qualités tournent plutôt au profit du côté plastique que du côté idéal de l’art. Dans sa musique, jamais rien de trivial et de vulgaire, mais on y trouve souvent de l’exagération, parfois même de l’étrangeté, de la bizarrerie, et surtout un parti pris de moduler, à tout propos, qui fatigue et énerve l’auditeur. Son instrumentation, toujours pleine et chargée de cuivres, est d’une sonorité qui va souvent jusqu’au bruit, et, ce qu’il y a de fâcheux, c’est qu’en l’appliquant au drame lyrique il ne l’a que très-peu modifiée et tempérée, si bien que les voix des chanteurs solistes, constamment enserrées par l’orchestre, ont beaucoup de peine à dominer l’accompagnement et à se faire entendre.

Ce défaut est surtout sensible dans la première partie : l’air de Tasse seul, la nuit, dans les jardins du palais, son duo d’amour avec Éléonore et le trio dans lequel le duc, surprenant les deux amants, menace le poète de son courroux. Malgré le talent et les efforts des trois interprètes : M. Villaret, Mme Brunet-Lafleur et M. Lauwers, ces morceaux ne font pas tout l’effet qu’ils feraient peut-être si les voix étaient non pas étouffées, mais soutenues par un accompagnement plus discret.

En outre, ces trois morceaux tournent à la mélopée vague et rentrent par trop dans le système wagnérien. Le déchaînement des forces instrumentales est par contre parfaitement à sa place dans la scène suivante, qui nous représente le Tasse fuyant à travers la campagne au milieu de l’orage et arrivant aux portes d’un couvent, où il se décide à chercher un asile.

La deuxième partie est supérieure à la première. L’introduction instrumentale, dans laquelle les instruments à vent donnent l’illusion d’un prélude d’orgue, le chœur des moines, la prière du Tasse, son duo avec le supérieur, le père Paolo, petit rôle très-bien tenu par M. Taskin, tout cela a un certain caractère de grandeur et de solennité. Nous voici maintenant à Sorrente, patrie du grand poëte. C’est le matin ; l’introduction, dans laquelle nous avons remarqué de petits traits un peu trop recherchés, mais assez ingénieux, de la flûte, du hautbois et de la clarinette se répondant l’un à l’autre, a été bissée ; puis vient une fanfare et un chœur de chasse qui, sans être neufs, ont de l’éclat, et un chœur de pâtres assez gracieux, qui a eu, lui aussi, les honneurs du bis. Cornelia, la sœur du Tasse, déplore la longue absence de son frère dans une romance que Mlle Vergin a chantée avec beaucoup de sentiment et de charme. Le duo qui suit ne nous a pas particulièrement frappé.

La troisième partie est de beaucoup la meilleure, et presque tout y est à louer. Elle commence par un air dans lequel Éléonore exhale ses regrets et où la voix si sympathique de Mme Brunet-Lafleur a trouvé d’heureux accents, puis vient un duo entre la princesse et le duc qui lui annonce qu’il consent à son mariage avec le poète. Joie d’Éléonore, qui croit ingénument au bonheur promis, tandis que son frère se félicite de sa ruse. Mais voici la scène capitale de l’ouvrage, la fête du mariage du duc de Ferrare avec une princesse de Gonzague. Elle s’ouvre par un chœur d’un caractère peut-être trop véhément et manquant un peu de distinction pour une fête princière ; mais bien rythmé, entraînant, il a produit beaucoup d’effet et a été redemandé. Puis viennent deux charmants morceaux de genre ; une sérénade accompagnée par des pizzicatos de violon simulant une mandoline, et que M. Lauwers a on ne peut mieux détaillée et accentuée, et une danse bohémienne pour l’orchestre seul, pleine de couleur et d’originalité. Ces deux morceaux qui ont été très-applaudis, auraient eu, ce nous semble, autant droit aux honneurs du bis que le chœur qui les a précédés. À ce moment paraît le Tasse qui revient plein d’espoir. Les seigneurs, à l’instigation secrète du duc, l’accueillent par des rires moqueurs, le Tasse se plaint amèrement ; les cris et les sarcasmes redoublent ; le poète indigné tire son épée ; alors les seigneurs s’écrient qu’il est fou, le duc ordonne qu’on le désarme et qu’on le conduise en prison, et le chœur du début est repris pour la troisième fois.

Jeté dans un cachot, le Tasse ne tarde pas à devenir réellement fou. La fidèle Cornélie, accourant pour consoler son frère, reconnaît avec désespoir qu’il a complètement perdu la raison. Un chœur de seigneurs et de gens du peuple vient annoncer que l’Italie a décidé de couronner ce grand poète ; mais il est trop tard, il expire sous leurs yeux. Au lieu du triomphe qui l’attendait au Capitole, c’est le couvent de Saint-Onofrio, à Rome, qui reçoit sa dépouille mortelle, à laquelle on rend les derniers devoirs aux sons du glas funèbre. Ces deux dernières scènes, celle de la Folie surtout, sont pensées et traitées en maître. Elles révèlent un compositeur de premier ordre.

Bref, malgré les réserves que nous avons dû faire, nous sommes heureux de constater un succès qui a commencé à s’affirmer dès la seconde moitié de la deuxième partie. À partir de cet instant, presque tous les morceaux ont été accueillis par des applaudissements des bravos et des bis, dont l’auteur de Faust et de Roméo et Juliette, placé sur le devant de la première galerie, donnait constamment le signal ; et à la fin, le jeune compositeur demandé à grands cris, a dû venir recevoir l’ovation que le public tenait à lui décerner.

Dans le cours de notre analyse, nous avons signalé le talent avec lequel ont été rendus les cinq rôles de la partition. Disons, en terminant, que l’orchestre et les chœurs ont marché avec un ensemble et une précision qui n’ont rien laissé à désirer. Cet éloge qui peut sembler quelque peu banal a, au contraire, une haute portée, car il atteste une fois de plus le soin extrême avec lequel M. Colonne étudie les œuvres dont l’exécution lui est confiée, la vivacité d’intelligence avec laquelle il en saisit le sens, si difficiles qu’elles soient, et l’habilité avec laquelle il sait les faire comprendre et exécuter par le nombreux personnel placé sous sa direction.

Auguste Morel

Persone correlate

Compositore

Auguste MOREL

(1809 - 1881)

Direttore d’orchestra, Compositore, Violinista

Benjamin GODARD

(1849 - 1895)

Opere correlate

Le Tasse

Benjamin GODARD

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Charles GRANDMOUGIN

Permalink

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data di pubblicazione : 16/10/23