Paris au théâtre. Xavière
PARIS AU THÉÂTRE
Opéra-Comique : Première représentation de Xavière ; idylle dramatique en trois actes, d’après le romain de Ferdinand Fabre ; poème de M. Louis Gallet ; musique de M. Théodore Dubois.
Voici qui ne trompe personne. C’est une idylle dramatique, comme le titre l’indique, un menu conte champêtre, fait de grâce agreste et de touchante ingénuité, avec une pointe [de] drame qui rend l’action moins sommaire.
[Résumé de l’intrigue]
On voit combien est simple cette historiette villageoise.
Il faut tout d’abord féliciter le musicien, M. Théodore Dubois, de n’avoir pas une seule fois cédé à la tentation de crever le cadre qu’on lui fournissait. Cette parfaite conscience d’artiste n’est pas tant commune aujourd’hui qu’il ne faille la signaler ; ils sont si rares ceux de nos compositeurs actuels que guide le simple sens commun, et combien n’en voyons-nous pas, à qui l’avare nature n’a dévolu qu’on modeste talent sur le flageolet, enfler leurs pipeaux et vouloir jouer la difficulté sur le tonitruant trombone – qui se rebiffe !
Avec M. Dubois, il n’en va pas ainsi. Sa musique qui veut être charmeuse, et n’être que charmeuse, l’est à souhait, avec le plus exquis des babillages poétiques. On y respire la bonne senteur des champs, aromatique et suave ; et le calme même qu’elle recèle semble le meilleur et le mieux venu des repos, après les écorchements tympaniques de nos plus réputés creveurs d’oreilles, que par profession – oh, rien que par profession au moins ! – nous sommes obligés de si souvent subir.
Il y a là des pages vraiment délicieuses, d’une fraîcheur idéale, peuplée d’idées et encore d’idées – enfin !
Quant à la facture, il n’est même pas besoin d’en parler, chacun sachant que M. Dubois est, sans conteste, l’un des plus parfaits techniciens de l’école française. Mais, considérez, je vous prie, ce que c’est bon, ce que c’est fier et ce que c’est rare – combien rare ! – un technicien qui ne fait pas parade de sa science, à l’heure précise où tous les arts vivent de semblants : peinture sans dessin, théâtre sans action, musique sans idées.
M. Dubois, avec la légitime conscience de sa notoire valeur, dit ce qu’il pense, simplement, nettement, comme il le pense. Que les autres fassent leur tapage ; lui, n’est pas influencé ; il ne veut pas l’être. C’est un sage, égaré sans doute, dans un monde de fous, mais c’est un sage. Et je le veux saluer.
Cette partition à laquelle le public a fait le meilleur des accueils est interprétée avec infiniment de goût et de discret enveloppement par l’orchestre de Danbé qui ne se montra jamais mieux assoupli.
Elle a pour chanteurs : Fugère, vraiment supérieur artiste dans son rôle de bon prêtre. On n’est ni meilleur comédien, ni plus habile chanteur.
Badiali nous a tous ravi par le relief plaisant qu’il a su donner à un berger matois et bonhomme à la fois.
Clément n’a qu’à être gentil en Landry. Il l’est.
Isnardon, chargé du rôle passablement odieux du maître d’école, l’a rendu possible à force de tact et de savoir théâtral.
Mlle Leclercq, très gracieuse, très alerte en petite paysanne gaie, a connu la joie du presque triomphe dans des couplets et dans un duo (avec Badiali), qu’elle dit positivement à ravir.
Mlle Chevalier, on ne peut plus charmante en vieille servante de curé, a confirmé la bonne opinion qu’on a de son talent expert de comédienne.
J’attendrai pour juger Mlle Llyod, la mauvaise mère, une meilleure occasion, et j’attendrai aussi que Mlle Dubois (Xavière) trouve un rôle plus à sa convenance, car il m’a bien semblé qu’hier elle n’était pas en pleine possession de ses moyens vocaux, j’entends de ceux qu’elle déploya dans la Chardonnette de Ninon de Lenclos, un ouvrage qui, entre parenthèse, a disparu de l’affiche sans qu’on ait jamais su au juste pourquoi.
Léon Kerst.
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/Louis GALLET
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data di pubblicazione : 01/11/23