Académie des beaux-arts. Séance annuelle
Académie des beaux-arts.
Séance annuelle — Distribution des prix — Notice historique sur Paul Delaroche — Ouverture et cantate.
Parlons brièvement de cette séance, dans laquelle, la musique servant d’exorde et de péroraison, ne nous a causé qu’un plaisir très-médiocre. Il y a longtemps que nous déplorons la constance avec laquelle l’Académie se croit obligée de couronner tous les douze mois un musicien, de sacre un compositeur, sans aucune preuve suffisante que le lauréat soit doué du génie de la musique et de la composition. Le lauréat sait écrire correctement, sans faute d’orthographe ni de syntaxe, et on ne lui en demande pas davantage : on l’expédie à Rome, où il ne fait pas grand’chose, et d’où il revient, souvent pour ne rien faire du tout. Si l’Académie continue de pécher par excès d’indulgence, continuons d’avertir les jeunes gens de ne pas trop s’endormir sur les lauriers qu’elle distribue.
Disons, par exemple, à M. Barthe que son ouverture est faible, vulgaire, et qu’on y trouve rien autre chose que ce qui s’apprend. Heureusement pour lui, cette ouverture n’est pas la seule œuvre sur laquelle on puisse le juger. Il a composé en outre un oratorio sur le sujet de Judith ; et il paraît, d’après le témoignage des maîtres et le rapport de M. le secrétaire perpétuel, que cet oratorio renferme des beautés réelles. Le prix offert par M. Édouard Rodrigues à la meilleure composition religieuse, écrite par un des jeunes musiciens pensionnaires de Rome, a été unanimement décerné à l’oratorio de M. Barthe : c’est dommage qu’on n’ait pu l’exécuter au lieu de son ouverture.
Le rapport sur les envois de Rome citait le nom de M. Galibert, autre lauréat d’une date plus ancienne. Hélas ! le brave garçon est mort à la peine. Il était d’une santé frêle, et s’il faut parler des morts avec franchise, d’un frêle talent. Il savait tout ce que les maîtres enseignent, mais avait-il l’inspiration ? Avait-il le génie ? Peu de jours avant sa fin douloureuse et précoce, il sollicitait l’appui d’un ministre afin d’obtenir d’un directeur la permission de s’essayer sur un libretto en un acte ! Et cette permission ne lui arrivait pas ; la mort était plus prompte ! Est-il bien sûr que le grand prix de Rome ne soit pas au nombre des causes qui ont fait mourir si triste et si jeune le pauvre Galibert ?
Le premier grand prix de cette année a été remporté par M. David. La cantate composée par M. Cicil avait pour titre et pour sujet : Jephté. En bonne conscience, ne faudrait-il pas avoir plusieurs diables au corps pour se sentir inspiré par un texte si peu dramatique et d’une froideur si communicative ? Aussi nous ne nous étonnons nullement que l’inspiration ne soit pas venue. M. David n’a bien traité que l’introduction, en forme d’ouverture et la marche, annonçant le retour de Jephté. Dans tout le reste, prière de Seila, duo de Seila et d’Azael, cantique de Jephté, trio final, nous n’avons pu, bien a regret sans doute, apercevoir un atome d’idée mélodique. Les interprètes, MM. Barbot, Belval et Mme Meillet, ont fait de leur mieux pour chanter une musique entièrement dépourvue de chant. Ils y ont perdu leurs efforts, tandis que l’orchestre avait plus de chance sous la direction de M. Battu. Loin de nous la prétention d’affirmer que M. David ne deviendra jamais un compositeur célèbre ! Nous avons vu des élèves commencer plus mal et aller fort loin, mais l’Académie en est-elle moins blâmable de placer ses couronnes sur les brouillards d’un avenir qui n’offre aucun gage certain. […]
P.S.
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Libretto
Jephté (Émile Cicile)
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data di pubblicazione : 02/11/23