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Augusta Holmès

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Mlle Augusta Holmès dans son salon

Augusta Holmès

Ne me demandez pas, lecteur, de recommencer ici la série des historiettes, anecdotes et autres bavardages dont toute personnalité à la mode est généralement l’objet, ni de vous recréer de ces mille indiscrétions que tout reporter a mission d’extorquer pour les besoins de son journal et la curiosité de ses lecteurs. Une artiste du talent de Mlle Augusta Holmès est au-dessus des banalités de l’interview et je me féliciterai de pouvoir les lui épargner.

Au reste, les photographies, qui sont le plus bel ornement de cet article, vous présenteront Mlle Holmès sous un jour qui ne ment pas et vous diront, mieux que je ne le saurais faire, l’éclat de ses yeux, la finesse de ses traits, l’intelligence qui se lit sur son front, et cette expression héroïque et fière qu’atténuent vite un sourire charmant, un regard sincère et doux, où se reflète toute son âme. Vous connaîtrez en même temps ce délicieux intérieur de la rue Juliette-Lamber, où vit l’auteur de la Montagne Noire, au milieu des palmes et couronnes recueillies en ses courses triomphales, les murs ornés de magnifiques portraits de Wagner, d’illustrations de Clairin, d’Henri Regnault, et de mille bibelots et souvenirs artistiques. 

Ce que je veux célébrer en Mlle Holmès, c’est l’artiste ; ce que je voudrais vous raconter, ce sont les soirées charmantes passées à l’entendre, soit qu’elle exécute au piano, en des envolées superbes, ses belles symphonies : Pologne, Irlande, Au Pays bleu, soit qu’elle chante, en s’accompagnant, toute vibrante de lyrisme et de poésie, pour faire vivre ses Sérénades, ses Sept Ivresses, Contes divins, Contes de Fées, et toutes ces œuvres délicieuses que vous connaissez et dont elle est à la fois le poète, le musicien et l’interprète incomparables. 

Sa voix ? Un instrument unique par le timbre, l’expression, et dont l’étendue va du contre fa grave au si bémol aigu. 

Sa musique ? Un monde. 

Ses poèmes ? Des drames. 

Son piano ? Tout un orchestre.

Bien qu’aujourd’hui, en tant que pianiste, elle ne prétende plus à la virtuosité pure, son jeu est d’une souplesse, d’une agilité étonnantes en même temps que d’une rare puissance, et elle serait certes en droit de se faire écouter dans une sonate de Beethoven ou une polonaise de Chopin. Mais peu lui importe ! Le piano n’est pour elle qu’un instrument d’accompagnement qu’elle assouplit à toutes ses fantaisies, qu’elle dompte, stimule ou caresse au gré de ses mélodies, selon que la voix chante, grave, sonore, douce, aimante, triste et résignée, ou qu’elle rugit, emportée, terrible et frémissante.

Car tout ce qu’elle crée est vécu et se recommande par une vérité et une variété d’accent qui devaient fatalement l’amener à écrire pour le théâtre.

Parfois, dans ces soirées intimes, les auditeurs, tous excellents musiciens et lecteurs intrépides, se faisaient interprètes.

C’est ainsi que nous avons déchiffré des partitions entières, comme les Argonautes, qui valurent à Mlle Holmès le prix de la Ville de Paris, ou Lutèce, ou Ludus pro Patria, dont le Conservatoire a eu la primeur. Et nous lisions à perte de vue, nous chantions à perte d’haleine, conduits, emportés par l’auteur avec un entrain, une furia qui nous menaient toujours à la victoire. D’autres fois, on exécutait les œuvres de Gluck, de Weber, ou les délicieux poèmes lyriques de Schumann, ou bien on s’occupait d’une œuvre d’actualité, opéra ou opéra-comique, à la veille ou au lendemain de la représentation. Car ne croyez pas que l’auteur de la Montagne Noire se soit vouée au culte exclusif de ses œuvres. Excellente camarade, elle s’incline devant le vrai talent, s’intéresse à toutes les productions intelligentes, toujours sympathique à ceux dont elle sait le cœur sincère et l’âme haute. Je vous étonnerais bien à vous citer, en dehors de Wagner et de Franck, son maître vénéré, toutes les œuvres, toutes les partitions qu’elle sait ; à vous dire quel est en littérature, en poésie, dans tous les arts le vaste champ de ses connaissances. D’une intelligence supérieure, elle pourrait, si la crainte de passer pour une pédante ou un bas-bleu ne la retenait, elle pourrait, « tout comme un autre », disserter :

De omni re scibili, et quibusdam aliis.

Mais elle se contente de causer, et on l’écoute pour le charme de son esprit, dans l’oubli de l’heure qui passe.

De toutes nos réunions, celle où pour la première fois Mlle Holmès nous fit lire sa Montagne Noire restera à jamais mémorable.

Mlle Augusta Holmès dans son cabinet de travail

C’était il y a dix ans ! Nous avions lu au préalable le livret, et cet épisode de la lutte du Montenegro (Montagne Noire, Mons niger) contre les Turcs, enclavant un drame poignant et mouvementé, ce mélange de toutes les passions, de toutes les faiblesses et de toutes les grandeurs, tout cela nous avait donné l’impression d’une vaste épopée que la musique devait rendre d’autant plus décorative qu’elle émanait de l’auteur même du poème.

Après avoir distribué à chacun sa musique, Augusta Holmès s’assit au piano et attaqua ce gigantesque prélude, cette page étonnante d’expression où se suivent, s’enchaînent et se développent les différentes phases du drame, où l’on suit pas à pas les héros dans les émotions qu’ils vont vivre, les combats qu’ils soutiendront, les défaillances où ils s’abîmeront. Tout ce début du premier acte passa comme l’ouragan. Puis, quand Mlle Holmès chanta les récits de Yamina 

Parmi les fleurs
Et les odeurs 
Je suis née.

et, au second acte, les chaudes évocations du passé :

Près des flots d’une mer bleue et lente.

Au pianoce fut l’enchantement des enchantements, dans cette note langoureuse, aux phrases enlacées, aux contours sinueux, aux mouvements ondoyants dont le charme ineffable restera le secret de l’auteur.

Les deux belles scènes entre Yamina et Mirko, celle de l’enlèvement et la grande scène d’amour, nous parurent ce qu’il y avait de plus passionné au théâtre, en opposition aux luttes héroïques entre les deux hommes dont l’un, Aslar, est sublime de dévouement envers son frère, envers sa patrie. Ce personnage, créé de toutes pièces, nous révélait le talent du compositeur sous un jour tout nouveau par l’ampleur du style et la majesté de l’accent. Quant à la fameuse orgie finale où se vautre Mirko, ce fut dans l’interprétation de Mlle Holmès un tableau saisissant, inouï de séduction, de parfums, de couleur et de feu. Tous, solistes et choristes, nous avions donné comme un seul homme, sans hésitation comme sans faiblesse, prêts à renier celui d’entre nous qui se fût permis une erreur de mesure ou une faute d’intonation.

Avec le même calme qu’elle avait ouvert son piano, Mlle Holmès le referma, et ce fut un concert de louanges que seule commandait la sincérité de notre enthousiasme. Nous sortîmes avec la conviction que nous venions d’assister à l’éclosion d’une œuvre vibrante, héroïque, passionnée et essentiellement théâtrale. 

Cette opinion, je n’eux pas de peine à la faire partager à mon ami, l’éditeur Ph. Maquet, qui s’est depuis rendu acquéreur de l’ouvrage, dont il offrit une importante audition à MM. Bertrand et Colonne.

Je me souviens que la chose fut faite avec un soin tout particulier, pour l’édification de ces messieurs. On exécuta la partition d’un bout à l’autre : vingt-cinq choristes hommes et femmes que le compositeur avait fait travailler, chantèrent sur des parties copiées pour la circonstance, et les soli furent tenus par des artistes de talent, excellents musiciens, qui remplirent leur rôle avec autant de vie et de passion qu’on en peut mettre dans une exécution au concert. Mlle Holmès avait conservé le rôle de Yamina qu’elle semble avoir écrit pour elle et remplaçait l’orchestre au piano, pendant que M. Bertrand suivait sur le libretto et M. Colonne sur la partition d’orchestre. C’était l’illusion d’un opéra chanté aussi complète qu’elle peut être. Voilà, ce me semble, une façon de procéder qui fait grand honneur à P. Ph. Maquet, et qui ne pourra être qu’agréable aux directeurs désireux de ne rien recevoir qu’en connaissance de cause.

L’impression fut excellente et cependant la partition avait encore un long stage à faire ! C’est alors que Mlle Holmès connut l’exaspération de l’attente et les années où l’on vieillit double – soi et son œuvre. 

C’est alors que, entre temps, la pauvre artiste écrivait nombre de mélodies qui lui faisaient prendre son mal en patience, jusqu’au jour où il lui fut donné de chanter sa Montagne Noire à M. Gailhard, qui, séduit par les péripéties du drame, l’accent et le charme de la musique, reçut définitivement l’ouvrage. 

Mon camarade Montel vous dira ce qu’il vaut et quel accueil lui a fait l’Opéra. Mais, ce qu’on ignorera toujours, c’est ce qu’une femme, auteur du livret et de la musique, c’est-à-dire sans collaborateur, doit vaincre de résistances et montrer de supériorité dans le talent, pour triompher de tous ceux qui, considérant la femme comme un être inférieur, s’efforcent de lui barrer la route.

Car, si les Français ont le monopole de la galanterie, cette galanterie disparaît dès que la femme qui doit en être l’objet prétend aux mêmes moyens et aux mêmes fins qu’eux. Alors ils ne voient plus en elle qu’une rivale qu’il faut écarter à tout prix, et il n’est pas de mesquineries, de fourberies qu’ils n’inventent pour rendre plus pénible encore le Calvaire que gravira la malheureuse avant de goûter les joies du triomphe, avant de connaître l’ivresse du succès.

Auguste Goullet

La Gauloise

Persone correlate

Giornalista

Auguste GOULLET

(1854 - 1931)

Compositrice, Pianista, Librettista

Augusta HOLMÈS

(1847 - 1903)

Opere correlate

La Montagne noire

Augusta HOLMÈS

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Augusta HOLMÈS

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data di pubblicazione : 31/10/23