Choses et autres. La Montagne noire

CHOSES ET AUTRES
La Montagne Noire à l’Opéra.

On a beaucoup discuté cette semaine les théories du Norwégien Strindberg sur l’infériorité de la femme : il n’a pas été fourni d’argument plus probant que l’Opéra de Mme Holmès.

Je ne voudrais pas faire de peine à cette très aimable personne, qui fait ce qu’elle peut ; mais, enfin, ce n’est pas nous qui avons commencé. Elle pouvait continuer à écrire les Griffes d’or (ce qu’elle a du reste tenté de faire à plusieurs reprises dans la Montagne Noire), il n’y aurait eu d’ennuyés que les maris ou amants des jeunes griffeuses. Mais écrire cinq actes de bruit où il n’y a rien ; mobiliser tous les guitaristes-mandolinistes de Paris et de la banlieue pour faire un tapage assourdissant, — nous raser avec les frères ennemis et obliger des braves gens qui ne lui ont rien fait, qui ont même applaudi les Argonautes, à écouter cette musique — là, c’est trop. On me dit que j’ai tort de me fâcher, que la Montagne Noire nous préserve d’un opéra toujours possible de Mme Chaminade, ou d’une œuvre de Mme Pauline Thys. C’est vrai : mais est-ce que les directeurs de l’Opéra sont sourds ? Est-ce que ces quatre actes se sont montés tout seuls ? N’a-t-on pas répété ? Car ce n’est pas possible qu’on se soit trompé à ce point, qu’on ait cru à cette musique ! Oh ! Mlle Holmès, que vous avez donc été cruelle et comme l’on eût été désireux d’avoir à vous remercier d’autre chose que de la vue de Mlle Bréval-aux-beaux-bras, à la figure sensuelle et aux cheveux épars ! Elle n’a plus sa belle voix de l’an dernier, mais il lui reste encore de quoi satisfaire les plus difficiles. C’est une bien belle personne que Mlle Bréval !

On me dit que j’ai tort d’admirer Mme Héglon. Ça m’est bien égal, pourvu qu’on ne m’oblige pas de trouver que Mlle Bertet a le visage gai. M. Alvarez est frisé à un bien joli petit fer et roule de bien beaux yeux. M. Gresse chante toujours avec la bouche en coin, et Mme Holmès, cruelle aux pauvres abonnés, n’a point voulu fatiguer ces demoiselles de la danse. À peine le temps de voir Mlle Torry et ses resplendissements de formes, sa coiffure d’oualeds et ses colliers de sequins d’or, et c’est tout !

Et si, après cela, on vous propose jamais un voyage au Monténegro, refusez carrément !