Quatuor à cordes

La première œuvre de musique de chambre de Ravel révèle une personnalité déjà étonnamment affirmée. Composé entre décembre 1902 et avril 1903, ce séduisant Quatuor (dédié « À mon cher maître Gabriel Fauré ») est créé le 5 mars 1904 lors d’un concert de la Société nationale de musique, par le Quatuor Heyman, à la Schola cantorum. Le compositeur remania sa partition avant sa publication en 1910. Observée dans sa globalité, l’œuvre reste traditionnelle. Considérée dans le détail, elle montre une certaine nouveauté d’écriture : traits nets, rythmiques motoristes, profusion contenue, raffinement confinant au maniérisme. Des traits éminemment ravéliens, qui tournent le dos aussi aux esthétiques issues du romantisme et annoncent celles de l’entre-deux-guerres. Les deux thèmes de l’« Allegro moderato » serviront de matrice à des motifs ultérieurs, et réapparaîtront même car Ravel s’inspire de la technique « cyclique » systématisée par Franck. L’« Assez vif-Très rythmé » n’est rien d’autre qu’un scherzo avec trio central. L’inspiration est debussyste, mais le goût de Ravel pour les mécanismes de précision s’y entend clairement, à travers une écriture d’une grande invention rythmique et faisant un usage virtuose du pizzicato. Après le trio dolent, la première section reparaît, plus crépitante que jamais. Libre dans sa forme, le « Très lent » est méditatif mais jalonné de bouffée d’ardeur. Fauré estima la première version du « Vif et agité » raté, tandis que Debussy adjura Ravel de n’y pas toucher une note. Les thèmes du premier mouvement reparaissent dans cette page tourbillonnante, qui témoigne déjà de l’habileté d’un maître.