Werther

Faust de Gounod, Mignon de Thomas, Werther de Massenet : Goethe inspira trois des plus grands succès du théâtre lyrique français du XX^e siècle, même s’ils trahirent sensiblement la source littéraire, contraintes du genre oblige. En définitive, Édouard Blau, Paul Milliet et Georges Hartmann (les librettistes de Massenet) ne furent pas les plus infidèles. Mais ils développèrent le personnage de Charlotte (dans le roman épistolaire, tout était raconté par Werther), qui partage l’amour qu’elle suscite (ce qui n’est pas le cas chez Goethe). En 1887, Massenet avait terminé la composition. Mais il essuya un refus de Carvalho, car le directeur de l’Opéra-Comique jugeait l’intrigue trop triste. Le succès de Manon à Vienne en 1890 favorisa la création de Werther à la Hofoper de la capitale autrichienne le 16 février 1892. Devant le triomphe de Werther, Carvalho programma la création française le 16 janvier 1893 : éloges de la critique, tiédeur du public qui attendra 1903 pour applaudir enfin ce « drame lyrique en quatre actes ». Massenet avait livré sa partition la plus personnelle, creusant ce que Manon (1884) avait amené à une première maturité. Il bâtit d’amples entités dramatiques, fondées toutefois sur une succession de moments finement nuancés, reliés avec un sens aigu de la transition. L’éloquence de la ligne vocale et un orchestre souvent moteur du discours dévoilent l’intériorité des personnages avec autant de profondeur que d’économie de moyens, ce dont témoignent notamment « L’air des larmes » de Charlotte (avec saxophone concertant) et l’ultime solo de Werther.