Une nouvelle jeunesse pour L’Enfant prodigue

Le 27 juin 1884, Debussy remporta le premier prix de Rome avec sa cantate L’Enfant prodigue, scène lyrique composée sur un texte d’Édouard Guinand. Lors de cette épreuve, l’oeuvre fut chantée par Rose Caron (Lia), Ernest Van Dyck (Azaël) et Émile Taskin (Siméon), accompagnée au piano par Debussy, assisté de René Chansarel pour les passages à quatre mains (Prélude, Cortège et Air de danses, Trio final). Elle fut exécutée avec orchestre quelques mois plus tard, le 18 octobre 1884, au cours de la séance publique annuelle de l’Académie des beaux-arts. Le lendemain de cette cérémonie, Le Ménestrel annonça que la partition pour chant et piano venait de paraître chez Durand et Schoenewerk. Vendue pour un montant de 5 francs, celle-ci fut tirée à cent exemplaires, puis de nouveau à quinze exemplaires en avril 1887 et en octobre 1898. Durand n’aurait probablement pas réimprimé celle-ci à cinquante exemplaires en avril 1904 puis à cent exemplaires en février 1906, si le succès de Pelléas et Mélisande, créé le 30 avril 1902 à l’Opéra-Comique, n’avait rendu Debussy célèbre. Ce n’est qu’en 1908 que les éditions Durand publièrent finalement la partition d’orchestre ainsi qu’un matériel. À partir de cette date, la cantate de Debussy, qui fit même l’objet de mises en scène, commença à remporter un vif succès surtout à l’étranger, à un tel point que, dans une lettre du 24 mars 1910, le compositeur écrivit à son éditeur, non sans ironie : « Vous allez voir que L’Enfant prodigue va dépasser Pelléas... et c’est prodigieusement comique ! » Si la partie vocale de la cantate demeurait quasiment inchangée, l’écriture orchestrale de L’Enfant prodigue n’avait plus grand-chose de commun avec celle de 1884. Pour rajeunir cette oeuvre, Debussy la réorchestra intégralement avec l’amicale complicité d’André Caplet. Grâce au dépôt des archives du fonds Durand au département de la Musique de la Bibliothèque nationale de France, de nouvelles sources concernant la révision de L’Enfant prodigue dévoilent la manière dont Debussy et Caplet se répartirent la tâche afin de se débarrasser « de cet illustre revenant ».