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Les premières. Théâtre de Monte-Carlo. Hulda

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LES PREMIÈRES
Théâtre de Monte-Carlo. — Hulda, opéra en 4 actes et un épilogue, poème de M. Charles Grandmougin, musique de César Franck.
(Par dépêche télégraphique)

En 1890 — nous contait M. Alfred Bruneau, avec qui, l’autre soir, nous avions le plaisir de sauter dans le rapide de Marseille — au crépuscule d’une de ces tristes journées pluvieuses qui commencent les hivers parisiens, dans un coin retiré du cimetière de Montrouge, un modeste cercueil se recouvrait de terre. Une vingtaine de jeunes artistes avaient suivi le corbillard qui venait d’apporter ce cercueil, et maintenant ils contemplaient douloureusement une petite croix de bois noir, où quelques mots étaient tracés à la craie : « César Franck, compositeur de musique, mort le 8 novembre 1890 ».

Alors, sans discours officiels, après les touchants adieux d’un ami et d’un disciple, l’ordinaire cérémonie s’acheva.

Ce très simple et très digne enterrement ne fut pas, comme on peut le voir, une de ces grandes cérémonies funèbres qui décident pour un jour de la joie d’une ville, transforment les églises en salles de spectacle et les cimetières en champs de courses, affolant les reporters, et troublant, dans les journaux, l’ordre de la mise en pages quotidienne.

Les quelques artistes qui, dévotement, avaient pris la route de Montrouge et qui, mélancoliquement, redescendaient la colline, étaient à peu près seuls à ne point vouloir ignorer ceci : c’est que César Franck fut avec Bach et Beethoven, Wagner et Berlioz, un des plus puissants novateurs de la musique...

Les oratorios de César Franck ont souvent occupé la critique, Ruth est une partition pleine de délicatesse et de grâce. Rédemption se recommande d’une rare intimité de grandeur. Dans Rebecca, le compositeur a tiré des modalités orientales des effets poétiques délicieux. Les Béatitudes, enfin, passent à bon droit pour un des ouvrages vraiment supérieurs de l’École française. Rien ne manque à ce drame sacré ; le souffle puissant de l’inspiration, la sensibilité exquise, la justesse des accents, l’incomparable richesse des combinaisons. Je n’apprendrai à personne que l’auteur d’un tel chef-d’œuvre fut un grand musicien, un haut maître dans la plus complète acception du mot.

Dans les dernières années de sa vie, le théâtre l’avait tenté. Il avait composé deux opéras, dont l’un, portant le titre de Hulda était achevé jusqu’au dernier détail. Nous en avions applaudi à plusieurs méprises dans les concerts des airs de ballet ravissants.

C’est un grand honneur pour M. Raoul Gunsbourg d’avoir révélé au public l’ouvrage tout entier. Le fier compositeur à qui nous le devons eut la seule joie d’en entendre des fragments à la Société nationale ou au Trocadéro. Le très intelligent imprésario du théâtre de Monte-Carlo nous donne aujourd’hui sa partition intégralement, en des conditions vraiment dignes d’elle. Pourquoi faut-il que le maître ne soit plus là ?

Ce n’est pas un succès, c’est un triomphe que vient de remporter cette œuvre magnifique où la mélodie coule à pleins bords, ample, colorée, pénétrante, où l’orchestration est d’un éclat incomparable et variée avec une inépuisable abondance de sonorités et d’effets.

Le poème a été tiré par M. Charles Grandmougin d’une légende scandinave de Bjoernson. Hulda est la fille d’un roi des mers. Après avoir vainement attendu son père, parti en guerre contre les Danois, elle apprend sa défaite et sa mort. Les Aslaks s’emparent de Hulda et l’emmènent en captivité. Pour se venger, elle excite la passion des quatre fils de son vainqueur. À chacun elle fait les serments d’amour qui les embrasent de jalousie. Ils s’entr’égorgent. Hulda a vengé les siens : elle se précipite dans les flots.

Voilà, en quelques mots, ce qu’est Hulda. M. Grandmougin n’a pas seulement négligé de nous présenter ses personnages ; il ne s’est donné nulle peine pour trouver des situations dramatiques : c’est un livret bâclé à la « va, comme je te pousse ». À ceux qui aiment César Franck, c’est-à-dire à tous ceux qui aiment la musique, la joie d’admirer la couleur dont il l’a revêtu, et d’applaudir les merveilles harmoniques et mélodiques que le maître a su en tirer.

Il ne nous est pas permis d’entrer ici dans l’analyse détaillée de la suggestive partition que nous venons d’entendre pour la première fois. Nous signalerons seulement, dans Hulda, les pages, sinon les plus belles, au moins celles dont le brillant et enthousiaste auditoire de Monte-Carlo a été le plus profondément impressionné.

C’est d’abord le poétique et mélancolique prologue, qui se termine par le farouche serment de vengeance d’où découle toute l’œuvre ; le « chant des épées » et le superbe final du second acte : « Adieu ! tu vas dormir sanglant et solitaire » : et les enveloppant duos d’amour d’Eiolf et de Hulda, de Swanhild et d’Eiolf ; et le prélude orchestral ; et le ballet de l’Hiver et du Printemps, d’une originale et radieuse beauté : l’auteur d’une si pure merveille a eu, ne craignons pas de l’affirmer, un rayon de génie...

Nous ne dirons rien de trop encore, en avançant que cette Hulda constitue l’un des plus solides et des plus éclatants ouvrages dramatiques qui se soient composés en France dans ces dernières années. Aussi doit-on de vifs remerciements à M. Raoul Gunsbourg pour la splendide soirée artistique qu’il vient de donner au monde musical. Grâce à sa très heureuse initiative, l’œuvre grandiose de César Franck est arrivée à la lumière de la rampe ; hier, elle était morte ; aujourd’hui, elle vit et elle va prendre sur les programmes des théâtres lyriques d’Europe — à commencer, espérons-le, par l’Opéra de Paris — la place à laquelle elle a droit.

On ne saurait trop louer l’habile directeur de Monte-Carlo pour l’entente, le zèle et la persistance qu’il lui a fallu développer, afin de mener à bien sa difficile entreprise, Hulda a été interprétée supérieurement (le mot n’a rien de banal, je vous assure) par Mmes Deschamps-Jéhin (oh ! la belle création pour l’Ortrude de la veille !) et Emma d’Alba (qui fut, l’an dernier, une si séduisante Marguerite de la Damnation de Faust), pour M. Saléza, le chaleureux ténor, comme aussi pour le baryton Lhérie et la basse Paul Fabre acceptant, pour concourir à un ensemble parfait, des rôles intimes, à coup sûr indignes de leur vrai talent.

Dansé délicieusement, par ces deux étoiles rivales, la Zucchi et la Bella, que M. Gunsbourg — encore un tour de force de sa façon ! – a su réunir dans le même ouvrage, le ballet de l’Hiver et du Printemps fut un divin enchantement : il n’a pas peu contribué au fulgurant éclat de la représentation.

Toujours pieusement respectueux de la pensée du maître défunt, M. Jéhin — ce n’est que justice de le constater ici — a visiblement apporté le plus grand soin aux études de Hulda. Son orchestre fut sans reproche ; ses chœurs furent vaillants. — Voilà, pour tout dire, une belle soirée ; elle valait le voyage...

Edmond Stoullig.

Persone correlate

Compositore, Organista, Pianista

César FRANCK

(1822 - 1890)

Opere correlate

Hulda

César FRANCK

/

Charles GRANDMOUGIN

Permalink

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data di pubblicazione : 23/09/23