Rienzi

En 1838, Wagner entame la composition de son troisième opéra, d’après un roman d’Edward Bulwer-Lytton dont l’action se déroule à Rome au milieu du XIV^e siècle. Il achève sa partition à Paris en novembre 1840, mais ne parvient pas à conquérir la capitale française avec son « grand opéra tragique en cinq actes », créé le 20 octobre 1842 à Dresde. En dépit de sa longueur (plus de six heures), qui le conduira à proposer des coupures ou une répartition sur deux soirées, Rienzi obtient un grand succès en Allemagne. Wagner avait pourtant exacerbé les caractéristiques du grand opéra français, afin de rendre son œuvre inaccessible aux théâtres de province allemands, qu’il juge médiocres et routiniers. Le destin du tribun romain, trahi par les adversaires qu’il a graciés, lui permet d’opposer l’utopie politique individuelle à l’irrépressible mouvement de l’histoire, des moments intimes à de spectaculaires tableaux collectifs. La recherche d’effets grandioses se manifeste dans la présence d’un très long ballet, de scènes de serment, de marches et d’un finale catastrophe influencé par La Muette de Portici d’Auber. Exploitant les fioritures italiennes (« In seiner Blüte » d’Adriano) comme le lyrisme noble et soutenu (la prière de Rienzi « Allmächt’ger Vater »), Wagner accorde aussi un rôle prépondérant à l’orchestre et creuse le sillon de ses futurs drames lyriques. À l’issue de la représentation de Rienzi à Paris en 1869 au Théâtre-Lyrique, dans une traduction de Charles Nuitter et Jules Guilliaume, Théophile Gautier écrira : « C’est plutôt une magnifique symphonie avec chœurs qu’un opéra comme on l’entend ordinairement. »