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Les Danaïdes de Salieri

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Les représentations des Danaïdes continuent d’attirer beaucoup de monde, sans cependant exciter ces applaudissements vifs et répétés qui constatent les grands succès. Nous croyons en effet que malgré le mérite du Poëme, les grandes beautés dont la musique est pleine, la pompe & la variété du Spectacle, chacune de ces parties laisse à désirer quelques changements essentiels pour obtenir l’effet qu’on a droit d’attendre d’un sujet aussi propre à réunir toutes les richesses du genre lyrique.

Quelques personnes, plus frappées sans doute du fond du sujet que de la manière dont il est traité, le trouvent d’une atrocité révoltante. Nous pensons au contraire que les impressions de terreur y sont trop affaiblies, & les images douces & gaies trop dominantes. Tout ce que l’action a d’horrible se passe hors de la Scène, & les yeux sont continuellement frappés de tableaux agréables. Comme les quarante-neuf sœurs d’Hypermnestre & leurs maris ne sont jamais en Scène, on ne peut ni être révolté de la cruauté perfide des unes, ni s’intéresser au sort des autres ; l’intérêt ne porte donc que sur Danaüs, Hypermnestre & Lyncée, dont les caractères & la situation ont été regardés de tout temps comme très propres aux grands effets de la Tragédie. Nous ferons d’ailleurs ici une observation qui nous paraît importante : c’est que les sujets les plus terribles conviennent mieux au Théâtre Lyrique qu’à la Tragédie seulement récitée ; parce que la terreur y est adoucie & tempérée par les charmes de la musique & de la danse, parce que la représentation même en est moins vraie, & que l’illusion de la vraisemblance y est remplacée par l’illusion de tous les Arts. Nous répéterons ici ce que nous avons dit dans le précédant extrait, que c’est au défaut de variété, & de mouvement dans la situation des principaux personnages, qu’il faut attribuer la longueur qui se fait sentir dans une partie de l’action : Danaüs n’a qu’un sentiment, &, pour ainsi dire, qu’une seule attitude ; Hypermnestre reste trois Actes dans la même situation ; Lyncée n’influe pas assez sur l’action pour y jeter beaucoup d’intérêt ; & ces défauts sont d’autant plus difficiles à corriger, qu’ils appartiennent encore plus au sujet qu’à l’Auteur. Nous croyons cependant qu’ils pourraient être adoucis par quelques changements peu difficile à faire, & qui nous paraîtraient avantageux. Par exemple, le second Acte est terminé par un monologue d’Hypermnestre, de quarante vers de récitatif coupés par un seul air, & ce long morceau n’exprimer que les sentiments violents du désespoir. Tout ce que dit Hypermnestre est conforme à sa situation & au caractère que le Poëte lui a donné ; mais n’aurait-il pas pu, avec une égale vérité, lui donner dans ce moment un sentiment plus tendre ; lui faire faire un retour doux & touchant sur le bonheur qui s’était offert à elle, & qui lui échappe au moment où elle se croyait si près d’en jouir ? Cette nuance aurait pu tout à la fois repose l’Actrice, varier ses mouvements, & fournir au Compositeur un sujet d’air d’un chant sensible & mélodieux ; caractère de chant qui est trop rare dans cet Opéra ; il faut se souvenir que les sentiments tendres sont ceux que la musique exprime plus naturellement & avec un effet plus heureux ; & que s’il faut se garder de prodiguer dans les Drames Lyriques les airs de ce genre, il faut se garder davantage de les éviter lorsque le sujet & la situation peuvent les offrir.

Nous avons remarqué dans notre dernier extrait, qu’au troisième Acte Hypermnestre & Lyncée étaient oubliés au milieu des danses, peut-être trop continues, qui remplissent la première moitié de cet Acte. On voit sur le devant du Théâtre ces deux personnages, assis à côté l’un de l’autre, sans e rien dire, occupés comme des Spectateurs indifférents à regarder les mouvements des Danseurs. Cette situation est non seulement invraisemblable pour l’action, mais elle est encore destructive de l’intérêt qui, n’ayant commencé qu’à la fin du second Acte, aurait besoin d’être soutenu, ou tout au mois rappelé aux Spectateurs. Le Poëte n’aurait-il pas pu couper la danse & les chœurs, ou même les faires précéder par quelques traits de monologue ou de Scène, où Lyncée & Hypermnestre, toujours observés & contenus par Danaüs, exprimeraient, l’un son tendre empressement, l’autre la perplexité & le trouble de son âme. Ces changements, & quelques autres encore dont la représentation aura sans doute fait sentir l’importance à l’Auteur, lui seraient d’autant plus aisés à faire, qu’il a prouvé dans d’autres Ouvrages, & dans celui-ci même, qu’il entend supérieurement la coupe & la marche dramatique qui convient au Théâtre Lyrique ; on en peut juger par la première Scène de l’Opéra, qui présente un tableau imposant & vrai, où le récitatif, le chant mesuré & les chœurs sont unis de la manière la plus heureuse. Dans la Scène de Danaüs & d’Hypermnestre, qui ouvre le quatrième Acte, & dans celle qui suit entre Hypermnestre & Lyncée, le dialogue est énergique, rapide & concis, moyennant les retranchements que l’Auteur y a faits lui-même. Dans la seconde Scène du cinquième Acte, lorsque Danaüs demande à sa fille si Lyncée est mort ; elle répond :

Qu’ai-je entendu ! Lyncée ! il vit encore !
J’ai sauvé mon époux ! je vous rend grâce, ô Dieux !

Ce mouvement, aussi vrai que passionné, est du plus grand effet. Le style du Poëme est inégal ; on y trouve quelques vers durs, des constructions un peu forcées, & quelques incorrections ; mais en général il a de la force, de la chaleur, & quelquefois de l’imagination. D’ailleurs, la hardiesse & l’originalité de la conception générale, la rapidité de la marche, l’art des oppositions dans les mouvements & les tableaux mettent cet Ouvrage for au-dessus des compositions ordinaires de ce genre.

On doit beaucoup d’éloges au zèle de l’Administration, qui n’a rien épargné pour donner à la représentation de cet opéra toute la pompe & l’éclat qu’il semblait exiger.

Le sieur Larrivée a  joué le rôle de Danaüs avec la chaleur & l’intelligence qu’on a droit d’attendre de son talent & de son expérience.

Mlle Saint Huberty est dans ce rôle ce qu’elle est depuis quelques temps dans tous ceux qu’elle joue, au dessus de nos éloges & même de nos critiques.

Le sieur Lainez joue celui de Lyncée avec tout l’intérêt dont il est susceptible.

Les autres principaux Sujets du Chant & de la Danse qui sont chargés des rôles subordonnés de la Pièce les remplissent avec autant de zèle que de talent, & méritent à ce titre la reconnaissance & les éloges du Public. 

Nous parlerons dans le Mercure prochain de la Musique, des Ballets & des Décorations.

Pubblicazioni scientifiche

Persone correlate

Compositore

Antonio SALIERI

(1750 - 1825)

Opere correlate

Les Danaïdes

Antonio SALIERI

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François-Louis Gand Le Bland DU ROULLET

Permalink

https://www.bruzanemediabase.com/it/node/5460

data di pubblicazione : 22/12/23