Courrier des théâtres. La Montagne noire
COURRIER DES THÉÂTRES
Théâtre national de l’Opéra : Première représentation de la Montagne noire, drame lyrique en quatre actes et cinq tableaux, poème et musique de Mlle Augusta Holmès.
L’action se passe en 1657. Le premier acte nous introduit dans un endroit fortifié de la Montagne-Noire. De la coulisse nous vient un effroyable bruit de combat. Les Monténégrins au-dehors défendent la ville contre les infidèles. Les cris, le tumulte de ta bataille sont dominés par les prières des femmes qui attendent anxieusement l’issue de la mêlée. Enfin, derrière les murs crénelés, des voix crient « Victoire ! » Les deux chefs monténégrins, Aslar et Mirko, suivis de leurs braves compagnons paraissent couverts de sang et de poussière. Les femmes les entourent et les embrassent. Mirko presse tour a tour sur sa vaillante poitrine sa mère, Dara, et sa fiancée Héléna. Puis aux pieds d’un autel taillé dans le roc, le Pope reçoit le serment d’éternelle amitié qui doit unir désormais Aslar et, Mirko. Les deux guerriers échangent leurs handjars que le prêtre bénit. Tous les hommes étendent leurs épées nues, en voûte étincelante, au-dessus des deux frères d’armes tandis que les femmes tombent à genoux.
La cérémonie est à peine terminée que des Monténégrins paraissent sur la hauteur, traînant une femme vêtue de voile de gaze et d’écharpes brodées. Cette femme c’est Yamina, fille de harem, esclave de l’ennemi, une espionne, croit-on. Le peuple veut la mettre à mort. Mais Yamina vient tomber aux pieds de Mirko, et le chef, immédiatement séduit par l’éblouissante beauté de la prisonnière, a demandé grâce pour elle.
Tel est le début du drame lyrique nouveau. Pendant les trois actes qui suivent, Mme Augusta Holmès nous montre son héros, Mirko, successivement parjure à son serment d’amitié, violant son serment d’amour, enfin traître à sa patrie. Il a oublié la douce Héléna, sa fiancée, il a quitté son pays et ses frères d’armes pour suivre Yamina, l’étrangère aux yeux troublants, aux lèvres de feu. Une nuit, dans un site abrupt de la montagne, au milieu des sapins et des bouleaux., Yamina et Mirko, exténués de fatigue, se sont assis sur' un banc de mousse, devant une grande croix dressée dans le sentier. Yamina s’est endormie tandis que Mirko la contemplait, enivré. Aslar apparaît au détour du chemin, aussi sombre, aussi fatal que le Constantin Brancomir de Pour la couronne. Il vient arracher son frère d’armes des bras de l’esclave turque. Mais. Yamina s’est réveillée elle a bondi vers Aslar et l’a frappé de son poignard. Mauvais moyen pour retenir Mirko, car celui-ci se décide soudain à suivre le lit de branches sur lequel on emporte Aslar, qui n’est que blessé.
Pourtant, au quatrième acte nous revoyons Mirko dans un beau jardin situé derrière les remparts d’une ville turque. Sous les palmiers et dans les massifs de rosés, de jolies chanteuses à peine vêtues murmurent de langoureuses mélodies en s’accompagnant sur la guzla. Mirko est couché sur des coussins et des peaux de bêtes. Il songe à sa gloire perdue :
C’en est fait… J’ai fui ma patrie !
J’ai rompu le vœu. fraternel !
Ma jeune renommée est à jamais flétrie,
Et mon front est courbé sous le courroux du ciel.
Mais Yamina vient verser du vin à Mirko, qui boit coup sur coup. Il finit par retomber ivre sur les coussins. Aslar, guéri de sa blessure, pénètre à ce moment dans le jardin. Il vient une dernière fois supplier son frère de le suivre : « On te croit parti par mes ordres, lui dit-il, pour assurer notre victoire. Tout le pays est investi par nos guerriers et cette nuit nous surprendrons les Turcs par le fer et la flamme… » Mais Mirko est trop lâche pour l’écouter, et. Aslar, s’érigeant en justicier, frappa le renégat au cœur. Une canonnade terrible éclate soudain au dehors les Monténégrins ont pris la ville. Et dans les lueurs de l’incendie, Aslar tombe à son tour, tenant encore Mirko dans ses bras.
Ce livret a paru monotone, mais la musique a obtenu un honorable succès d’estime. Certains chœurs sont traités habilement et, dans la plupart des ensembles vocaux, Mme Augusta Holmès a trouvé une expression colorée et pittoresque qui fait défaut aux autres parties de son œuvre. Les phrases de tendresse et de douceur sont écrites dans un joli sentiment. Le duo chanté au second acte, par M. Alvarez et Mlle Berthet est fort bien venu. L’interprétation n’a pourtant pas atténué une certaine impression de froideur que le public a ressentie. Mlle Bréval est néanmoins une fort intéressante Yamina, qui séduit par le timbre de sa voix et l’expression, passionnée de son chant. Mlle Héglon prête son contralto vibrant et son masque énergique au rôle, très tendu de Dara. Mlle Berthet a le personnage le plus sympathique de la pièce — une sorte de Micaëla dont elle incarne gracieusement le type. Son rôle étant, en outre, le plus chantant, elle y a obtenu un succès très personnel de cantatrice. MM. Renaud et Alvarez ont fort belle mine sous le vêtement monténégrin.
Les décors et la mise en scène sont médiocres.
H. F.-G.
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Augusta HOLMÈS
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data di pubblicazione : 03/11/23