La Vivandière de Godard
On ne saurait reprocher au poème qu’avait donné Henri Cain à Benjamin Godard d’être trop compliqué. Il se peut résumer rapidement.
[Résumé de l’intrigue.]
Ce livret écrit en prose rythmée, s’il est assez adroitement coupé, est, à ce qu’on voit, assez dénué d’originalité.
M. Benjamin Godard, mort il y quelques mois, n’a pu voir la représentation de son œuvre. M. Benjamin Godard, dont on citait parfois ave malice certains mors attestant la bonne opinion qu’il avait de soi, a été frappé par la maladie en pleine force de production. On sait qu’il avait beaucoup écrit, depuis sa première partition du Tasse, qui le mit en lumière, donnant successivement Pedro de Zamalea, Jocelyn, de nombreuses symphonies, la partie musicale de Jeanne d’Arc de M. Fabre, Dante, qui ne réussit point malgré quelques belles pages, laissant en outre un opéra terminé, les Guelfes. Il est permis d’aimer la musique ave quelque éclectisme : M. Godard ne réalisa point toutes les espérances que l’on avait pu fonder sur lui ; il ne fut point de ceux qui marchent résolument de l’avant, mais il eut l’inspiration abondante, il déploya les ressources d’un ingénieux esprit musical ; il eut même de la sincérité et de la sensibilité ; il connut son art à fond.
On peut dire de la Vivandière que c’est une œuvre de pittoresque et de sentiment, dans son souci d’expression dramatique, dans ses intentions de recherche de la vérité et de variété, encore que ces intentions soient parfois trahies par quelques défaillances, où le compositeur n’évite pas une certaine banalité. D’une façon générale, cette partition, d’une assez ferme tenue, a du mouvement, qui s’allie à un certain charme. L’orchestre y est fort discret. On lui a fait chanter hier bon accueil. Le souvenir de la mort récent de l’auteur y fut peut-être pour quelque chose.
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Après l’ouverture, d’allure militaire, où se dessine parfois une phrase lente et paisible, on peut citer, au premier acte, les cordiaux encouragements de la vivandière Marion à Georges de Rieul, où une évocation de la Marseillaise se termine d’une façon tendre et protectrice ; sa maternelle invitation à Jeanne, Monte dans mon carrosse ; le duo gracieux, mais dépourvu de personnalité, de Georges et de Jeanne ; le petit chœur des soldats.
L’ouverture du second acte a un assez joli caractère de mélancolie. Dans cet acte, les pages les plus importantes sont le duo de Marion et de Jeanne, qui se termine en une prière ; une petite chanson villageoise, qui est d’un sentiment aimable ; le récit du vieux brisquard La Balafre, qui conte son premier fait d’armes, dans un air qui commence simplement, s’anime, suit un furieux crescendo et s’achève sous un formidable : « En avant ! » L’acte se termine par une invocation à la Liberté qui a de la largeur, dans son accent populaire.
Relevons, au troisième acte, la gaillarde chanson de La Balafre, la romance de Georges, l’intermède militaire, le récit dramatique de Marion, les dernières phrases de la vivandière, avec accompagnement de tambours en sourdine.
La belle voix grave de Mlle Delna, vraiment superbe dans le rôle de Marion, et la mémoire du compositeur devra beaucoup à son interprète. Mlle Delna a tour à tour la rondeur bon enfant et la vigueur dramatique qui convenaient. Il faut louer, une fois de plus, la franchise et la sûreté de son art.
M. Fugère, acteur soigneux et chanteur adroit, comme à son habitude, dessine pittoresquement le personnage de La Balafre. M. Clément dit avec goût, de sa voix d’un timbre frais, les soupirs amoureux du jeune sergent. Mlle Laisné a de la grâce, mais sa voix paraît forcément un peu mièvre à côté de celle de Mlle Delna. M. Badiali met quelque ampleur dans ses récitatifs. Les rôles secondaires sont assez médiocrement tenus.
P. G.
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/Henri CAIN
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data di pubblicazione : 15/09/23