La Vivandière de Godard
Avant de mourir, le pauvre Benjamin Godard n’a pas eu le bonheur d’assister au triomphe de sa dernière partition : c’est, hélas, le sort de beaucoup de compositeurs, et le souvenir de Georges Bizet ne peut manquer de remonter à la mémoire de tous nos contemporains.
Et, par une belle antithèse, la tristesse de cette constatation est augmentée par ce fait que Benjamin Godard, dans la Vivandière, s’est révélé comme un musicien gai, d’allure joyeuse, populaire. Ce côté de son talent n’avait pu se faire jour dans Jocelyn ni dans le Tasse.
Quoiqu’il en soit, la première représentation de la Vivandière a été enthousiaste. Le succès de cette musique, toute militaire et patriotique, a été considérable.
M. Carvalho a sa bonne part dans ce superbe résultat : c’est lui qui avait commandé la Vivandière à Godard ; c’est lui qui l’a ornée d’une mise en scène exquise, comme il a le secret d’en imaginer ; c’est lui qui l’a doté d’une interprétation absolument merveilleuse…
Le livret de M. Henri Cain a pour principales qualités d’être clair, mouvementé et amusant.
[Résumé de l’intrigue.]
Nous avions pu, grâce à l’obligeance de l’éditeur Choudens, qui a mis en vente la partition de la Vivandière, dès le jour de la première, prévoir d’avance quelles seraient les pages de l’œuvre posthume de Godard qui séduiraient le plus facilement le public.
On a acclamé et bissé tous les morceaux chantés par l’admirable artiste qui a nom mademoiselle Delna et tous ceux que le rare talent de M. Fugère a mise en relief, depuis les cordiaux encouragements de la vivandière Marion à George de Rieul, où une évocation de La Marseille se termine d’une façon tendre et protectrice ; sa maternelle invitation à Jeanne, Monte dans mon carrosse, le duo gracieux de Georges et de Jeanne, jusqu’au chœur des soldats.
L’ouverture du second acte a un joli caractère de mélancolie. Dans cet acte, les pages les plus importantes sont le duo de Marion et de Jeanne, qui se termine en une prière ; une « lettre » villageoise, qui est d’un sentiment exquis ; le récit du vieux brisquard La Balafre, qui compte son premier fait d’armes, dans un air qui commence simplement, s’anime, suit un furieux crescendo et s’achève sous un formidable « En avant ! » L’acte se termine par une invocation à la Liberté, qui a beaucoup d’ampleur et d’accent.
Relevons, au troisième acte, la gaillarde chanson de La Balafre, la romance de Georges, l’intermède militaire, le récit dramatique de Marion, les dernières phrases de la vivandière, avec accompagnement de tambours en sourdine.
La voix superbe et le talent merveilleux de mademoiselle Delna ont fait miracle dans le rôle de la vivandière, qui comptera comme une des plus inoubliables créations de cette grande artiste : son triomphe a été colossal.
M. Fugère a, de son côté, remporté un succès aussi considérable. Il a composé, joué et chanté le rôle du vieux sergent avec un art inouï.
Mademoiselle Laisné a délicieusement chanté le rôle de Jeanne ; M. Clément a fait de nouveau consacrer son réel talent et sa jolie voix de ténor dans le rôle de Georges. Tous les autres rôles sont tenus à ravir.
Les chœurs ont été parfaits. L’orchestre a été acclamé…
La Vivandière sera un des plus fructueux et des plus populaires succès musicaux de l’année.
Fernand Bourgeat.
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/Henri CAIN
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data di pubblicazione : 15/09/23