Théâtre de l'Opéra-Comique. L’Éclair
THÉÂTRE DE L’OPÉRA-COMIQUE
L’Éclair, opéra-comique en trois actes, paroles de MM. de Saint-Georges et Planard, musique de M. Halévy.
Nous avons à constater un grand succès, un de ces succès mérités et durables, qui viennent, à certains intervalles, relever la fortune de l’Opéra-Comique, et fournir à tous les pianos et à tous les salons une foule d’airs charmans, de gracieuses romances, d’élégans duos, de trios spirituels et de tendre quatuors. Pendant tout cet hiver on viendra au théâtre, écouter l’ingénieuse musique de M. Halévy ; la jolie bouche de nos virtuoses de boudoir en répétera ensuite les morceaux les plus agréables et les plus aimés, à la leur des lampes et des bougies, et aux grands applaudissemens des dilettanti, appuyés au marbre de la cheminée ou debout aux angles du salon. Ajoutez qu’à ces grâces de la musique vient e joindre le mérite d’un sujet original, développé avec esprit et habileté, assez gai pour éveiller le sourire, assez touchant pour donner, de temps en temps, de douces émotions aux âmes sensibles, et amener une larme au bord des paupières.
Le théâtre de l’Opéra-Comique a compris son ingratitude : il est revenu à ce genre tempéré où le poète et le musicien concourent, par un effort égal et fraternel, à intéresser et à plaire, et où l’un n’est point dispensé d’avoir de l’esprit, du sens et du goût, et de se sacrifier tout entier à l’autocratie de l’autre. Il y a une opinion qui veut faire de l’Opéra-Comique une succursale de l’Opéra et du Théâtre-Italien, étouffer sa voix dans les grands bruits de l’orchestre, l’embrasser dans les hautes difficultés du chant et dans les sublimités de l’art. Il est évident que cette opinion-là se trompe, car les plus beaux succès de l’Opéra-Comique ont été obtenus dans ce genre mixte dont nous parlions tout-à-l’heure. Chaque art a ses degrés ; on a de charmantes et spirituelles comédies, qui ne sont pas pour cela le Tartuffe et le Misanthrope ; tous les peintres n’ont pas fait La Transfiguration, et tous les musiciens ne sont pas tenus de dire, comme Virgile : Majora canamus. L’Opéra-Comique, comme l’ont entendu et pratiqué Nicolo, Berton, Boyeldieu et Hérold, est, on ne le saurait nier, un genre spécial, distinct, un genre véritable, qui a ses qualités particulières, et qui compte des chefs-d’œuvre. Qu’on ne prenne pas le change : on ne fait pas ici de l’églogue, on ne prétend point ramener l’Opéra-Comique à la chansonnette avec accompagnement de galoubet et de tambourin ; ce qu’on dit, c’est qu’il ne doit pas sortir de ses limites, empiéter par trop sur des domaines voisins, et se réduire absolument à la condition d’un libretto ; ce qu’on lui demande, c’est de rester dans les voies qui lui sont naturelles, et où il a rencontré ses plus charmans ouvrages, Joconde, la Dame blanche, le Pré aux Clercs, et tant d’autres qui, dans leur genre, n’ont pas moins de mérite que les grandes compositions lyriques, mais seulement un mérite différent. Le nouvel opéra-comique est de cette famille aimée et applaudie ; il est temps d’en faire connaître le sujet.
[Résumé de l’intrigue]
Il n’y a que quatre acteurs dans cette pièce, qui cependant excite continuellement l’intérêt ; les périls du sujet sont esquivés avec une grande habileté, et MM. Planard et Saint-Georges l’ont fécondé par beaucoup d’intelligence, de savoir-faire et d’esprit. Il y a de la comédie dans le personnage de Georges. Le dialogue a une franchise et un naturel, et les rimes une sorte d’élégance et de correction devenues bien rares dans ce temps de libretti.
La musique est certainement ce que M. Halévy a donné à l’Opéra-Comique de plus fin, de plus gracieux, de plus élégant, de mieux inspiré et en même temps de plus habile, de plus pur et de plus complet. Après une grave et sévère composition comme la Juive, c’est prouver un talent plein de délicatesse et de charme, ce qu’on attendait encore de M. Halévy.
Chollet était en verve et a exécuté tout le rôle du marin avec beaucoup de talent ; il a surtout chanté avec un goût exquis et une rare expression la touchante romance du troisième acte ; Couderc fait de grands progrès ; il a une jolie voix qu’il emploie bien et il devient en outre un acteur spirituellement comique. Mlle Camoin est inégale et a besoin d’études ; mais si on peut lui reprocher de mauvaises minutes, elle a de bons quarts d’heure ; Mme Pradher a prêté au rôle de Mme Darbel son élégance et sa grâce accoutumées.
A.
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L’ Éclair
Fromental HALÉVY
/Henri de SAINT-GEORGES
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data di pubblicazione : 24/09/23