Opéra. Roma

Opéra

Roma. – Dès les premières représentations de Roma, les pages qui s’imposent à l’esprit du public par cette émotion musicale si communicative et si personnelle qui caractérise l’inspiration du maître Massenet, sont : « Le rêve de Junia, le prélude du Bois sacré et l’air de Lentulus « Soir admirable ».

C’est surtout par cette manière de faire que le maître est devenu « Massenet », le Massenet que le public cherche de suite dans chacun de ses nouveaux ouvrages, et qu’il aime plus spécialement à retrouver.

Le rêve de Junia et l’air de Lentulus seront fredonnés demain par tout le monde. Le prélude du Bois sacré sera la page orchestrale dont on parlera ; on l’attendra impatiemment et elle sera écoutée religieusement. Hier, elle fut chaleureusement ovationnée, et, dans l’insistance des applaudissements, il était aisé de discerner aussi que le public en accordait une bonne part à M. Hennebains, dont la flûte, aux délicates et exquises sonorités fit merveille.

Les interprètes furent rappelés quatre fois, après le troisième acte et après le quatrième.

J’ai dit combien ils étaient remarquables. Ils semblent encore plus en possession d’eux-mêmes en prenant contact avec le vrai public.

J’admire l’art parfait avec lequel Mme Kousnezoff a su composer, – car chacune de ses attitudes est une composition, – le rôle de Fausta.

Quel parti elle tire du duo du second acte, où elle sait avec tant de sûreté opposer les effets vocaux puissants, aux « pianissimo » les plus précis !

Infiniment émouvant est Mlle Arbell. Comme elle a bien compris toutes les intentions du maître. Sa déclamation puissante, sa voix poignante détaillent avec un réel sentiment dramatique la scène si tragique du Sénat.

Mlle Campredon est une exquise personnification de la vestale Junia et elle y obtient un grand succès.

M. Muratore a soulevé la salle avec l’air dont je parle plus haut. Dirai-je qu’il joue le rôle de Lentulus ? Non, il le vit. M. Delmas est un merveilleux Fabius. Je ne crois pas qu’il soit possible de tenir un rôle avec plus d’émotion et plus de sens du théâtre.

M. Journet a le très grand mérite de mettre à son plan, le rôle du Grand Pontife. Très sobre de gestes, très net dans son chant, il sait avec tact l’avancer quand il faut au premier rang. Au second acte, par exemple, il a beaucoup de grandeur tragique, avec une pointe de fanatisme, qui accentue le caractère religieux du personnage. J’ai déjà dit que M. Noté tient avec beaucoup d’autorité et de puissance le rôle de Vespator. Je ne veux pas oublier aujourd’hui de citer les chœurs très au point maintenant, qui se tirent parfaitement de leur tâche difficile.

L. BORGEX.