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Roma de Massenet

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GAITE-LYRIQUE. – Naïl, de M. Isidore de LARA.

OPÉRA. – Roma, de M. Massenet.

M. Massenet me pardonnera, j’espère, de parler de Roma après Naïl. Je le fais, d’abord, pour respecter l’ordre chronologique, ensuite pour me débarrasser tout de suite d’une partition et d’un compositeur qui tiennent trop de place. […]

* * *

Il y a quelques années, la jeune critique se montrait singulièrement agressive à l’égard de M. Massenet. À l’apparition de chaque ouvrage du maître, elle s’évertuait à le dénigrer, espérant le décourager et mettre arrêt à sa fécondité. Lasse de mordre inutilement, peut-être aussi devenue plus équitable à force de comparer et de juger, elle a fini par accepter, mais de mauvaise grâce, l’avis du public et des musiciens. Avant de désarmer, elle n’a pas manqué de lancer la flèche habituelle : « Massenet n’a plus que des restes ». Mme de Motteville en disait autant de Bassompierre ; mais elle ajoutait : « Les restes de celui-là valaient toute la jeunesse des autres ». Eh oui, la moindre des œuvres de M. Massenet dépasse de beaucoup en mérite bon nombre de jeunes partitions agaçantes et laborieuses qu’on prétend nous faire admirer et qui n’ont vécu que quelques soirées.

Ce qui distingue M. Massenet des maîtres contemporains, c’est la souplesse de son talent et de son génie. La fécondité tient sans doute à la variété des sujets qu’il met en musique. Les sources ne tarissent jamais en lui parce qu’il ne puise pas à la même deux fois de suite ; l’une se remplit le temps qu’il s’abreuve à l’autre. La composition, loin d’être pour lui une fatigue, devient un délassement ; la diversité et le contraste le reposent et lui procurent des forces nouvelles. Roma, qui succède à Don Quichotte, sera bientôt suivie de Panurge, puis d’Amadis, dont les partitions sont déjà à la gravure : vous devinez, rien que par les titres, combien diffère le caractère de ces ouvrages.

Le sujet de Roma est tiré de la Rome vaincue, d’Alexandre Parodi, pièce en vers médiocres jouée jadis à la Comédie-Française. Annibal a triomphé de Scipion parce qu’une vestale a trahi ses vœux de chasteté et laissé s’éteindre le feu divin. Les dieux ramèneront la victoire le jour où la coupable aura subi le châtiment. Fausta se dénonce, elle est condamnée et va être, suivant la loi, enterrée vivante, lorsque Posthumia, son aïeule, voulant lui épargner l’affreux supplice, la poignarde. Aussitôt les aigles romains apparaissent annonçant la défaite définitive de Carthage.

Sur cette sombre tragédie, M. Massenet a écrit une partition de forme toute classique, concise et simple. Vous y rencontrerez encore de nombreuses pages de tendresse et de charme – la marque du maître ; mais, si le compositeur les a moins prodiguées, c’est pour conserver à l’ouvrage sa majestueuse beauté. Vous goûterez infiniment l’épisode du rêve de Junia, d’un sentiment si pur, chanté par Mlle Campredon ; le prélude instrumental — (solo de flûte avec accompagnement de harpe, exécuté à ravir par M. Hennebains) — qui évoque le souvenir d’un passage de Puvis de Chavannes ; l’invocation au soir qui a valu à M. Muratore de longs applaudissements ; son duo avec Mlle Kousnetzoff à la voix puissante et douce.

Mais vous goûterez plus encore, je crois, la belle ouverture orchestrale si amplement développée comme seuls peuvent le faire les grands musiciens ; la sévérité tout antique des chœurs, et la scène de la mort de la vestale, où Mlle Lucy Arbell, superbement douloureuse, a trouvé des accents pathétiques et des attitudes vraiment admirables.

Julien TORCHET.

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Jules MASSENET

(1842 - 1912)

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date de publication : 18/09/23