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Angéla de Boieldieu et Gail

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THÉÂTRE DE l’OPÉRA-COMIQUE.
Première représentation d’Angela, ou l’Atelier de Jean-Cousin, opéra en un acte. 

Il n’est pas un nom, pour peu qu’il ait joui de quelque célébrité dans les lettres ou dans les arts, qui n’ait été bien ou mal encadré dans une pièce de théâtre. Ces pièces de galerie, c’est le mot par lequel on les désigne, sont une invention de nos jours inconnue à ces auteurs routiniers qui se bornaient à croire qu’une comédie devait être la peinture d’un caractère ou au moins d’un ridicule, et que quand on usait de la liberté accordée au germe de l’Opéra-Comique de présenter de petites intrigues domestiques ou des scènes villageoises, ces légers tableaux devaient avoir au moins le mérité du naturel et de la vérité. Mais le privilège des pièces de galerie s’étend beaucoup plus loin ; l’aventure la plus commune, les détails familiers les plus insignifians, la donnée comique la plus usée, tout est de bon aloi, tout passe à la faveur du nom de l’homme célèbre qu’on fait à-la-fois le héros et le protecteur de l’ouvrage.

Fagan dans la Pupille avait déjà montré une jeune personne, comme il y en a peu, qu’insensible à l’amour d’un marquis vif, sémillant et dans tout l’éclat de la jeunesse, aime, sans oser l’avouer, un homme de quarante-cinq ans, son tuteur, grave, sérieux, enfin un philosophe. Non-seulement il ne se doute pas de son bonheur, mais il s’obstine à être sourd et aveugle, et par une modestie qui va presque jusqu’à la niaiserie, il refuse d’entendre et de voir ce qui devrait cent fois pour une l’éclairer sur les sentiments de sa pupille.

Au lieu de nommer le tuteur Ariste, appelez-le Jean Cousin, et vous connaîtrez le sujet de l’opéra nouveau.

Ce Jean Cousin est le premier peintre français qui ait joui de quelque réputation. Suivant la mode du siècle où il vivait, il peignait principalement sur verre, et plusieurs de ses ouvrages ornaient les vitres des principales églises de Paris et de Sens sa patrie. Ses tableaux sur toile sont en petit nombre et très-recherchés. Le plus considérable de tous, dont le sujet est le jugement universel, était dans l’église des Minimes de Vincennes. Un voleur entreprit de l’enlever ; déjà il avait coupé tout autour du cadre la toile du tableau, quand un religieux qui survint l’empêcha de consommer le vol. Le tableau fut recousu et placé plus sûrement dans la sacristie.

Jean Cousin maniait le ciseau aussi bien que le pinceau, et l’exécution du tombeau de l’amiral Chabot le plaça au premier rang parmi les sculpteurs de ton temps. Plusieurs ouvrages sur la géométrie, la perspective et les proportions du corps humain, sont des preuves des grandes connaissances qu’il possédait. Cet artiste jouissait d’une grande considération. Aussi l’auteur de l’opéra-comique donné hier l’a-t-il mis en relation avec de grands personnages.

La jeune et belle Angela a inspiré un égal amour à l’amiral Bonnivet, à Clément Marot, et à Anselme, élève de Jean Cousin ; la grandeur, la poésie, les beaux-arts, tout rend hommage à la beauté ; aucun des trois adorateurs d’Angela ne peut envier le bonheur de l’autre ; elle rejette leurs vœux, et cependant son cœur n’est pas insensible ; la reconnaissance y a fait naître l’amour. Orpheline et sans fortune, elle a trouvé, dans Jean Cousin, un généreux protecteur ; et le trop heureux peintre, livré tout entier à l’enthousiasme de son art, ne soupçonne même pas de quelle précieuse récompense sont payés ses bienfaits. Cependant Diane de Poitiers dont il a fait la statue, veut lui procurer le plus brillant établissement, en lui faisant épouser une dame noble et riche. L’artiste, toujours insouciant, se prête plutôt à cet arrangement, qu’il n’en désire et n’en presse l’exécution. Mais Diane pénètre le secret d’Angela, et renonce à son projet. Le désir de plaire à son bienfaiteur a encouragé la reconnaissante orpheline à cultiver en secret l’art du dessin ; elle y a fait des progrès étonnans, grâce aux soins de l’amoureux Anselme, qui pousse la complaisance jusqu’à lui remettre les billets doux de ses deux rivaux : Angela n’y répond qu’en livrant à Clément Marot la lettre de Bonnivet, et à l’amiral, le billet du poète ; l’un et l’autre perdant alors toute espérance. 

François Ier, qui veut qu’aucun genre de gloire ne lui échappe, a établi un concours solennel de dessin ; le meilleur ouvrage sera couronné. Jean Cousin préside le jury. Angela, dont l’amour a guidé le crayon, a fait le portrait de son bienfaiteur… de son amant... C’est un chef-d’œuvre ; il obtient la palme. La surprise, l’admiration, l’amour s’emparent à la fois de l’esprit er du cœur de Jean Cousin, et il épouse Angela.

On s’aperçoit facilement à l’analyse de la pièce que l’action n’en est pas très-vive. Que serait-ce si je pouvais raconter les détails inutiles qui en retardent encore la marche ? Le dialogue est froid et languissant, les morceaux de chant lourds et prosaïques ; les convenances sociales et dramatiques y sont blessées à chaque instant.

Ici, l’amiral Bonnivet, Clément Marot et Cousin se permettent envers Diane de Poitiers des plaisanteries qu’on hasarde quelquefois avec celles qui sont ce qu’elle était, mais non pas quand elles le sont avec un roi ; plus loin, c’est Angela qui dans un transport amoureux se jette aux genoux de son maître et se prosterne en adoration. Mais à quoi bon chicaner l’édifice sur les détails quand un souffle suffit pour le renverser. L’auteur a placé Jean Cousin au milieu de personnages dont aucun n’a été son contemporain.

Diane de Poitiers est morte eu 1566 ; François Ier en 1547 ; Clément Marot eu 1544 ; Bonnivet enfin eu 1526 ; et ce bon Jean Cousin qu’on vieillit sans raison de plus d’un demi-siècle, n’est venu au monde qu’en 1589. Ce grossier anachronisme est une faute volontaire ; on ne saurait l’attribuer à l’ignorance, puisqu’il suffisait à l’auteur, pour ne la pas commettre, d’ouvrir le premier dictionnaire historique.

Comme les auteurs de la musique sont étrangers aux anachronismes, ils mériteraient de grands éloges s’ils étaient parvenus à réchauffer, par leurs chants, un poème aussi glacial ; mais hélas ! le froid les a souvent gagnés, et même dans les morceaux qui ont paru dignes d’être distingues des autres, on a reconnu des réminiscences frappantes, qu’on appellerait des plagiats si les auteurs avaient volé d’autres qu’eux-mêmes Ces deux auteurs sont Mme Gail et M. Boyeldieu.

C’est à Mme Gaii qu’on doit le joli opéra des Deux Jaloux, qu’il a toujours fallu citer à chaque ouvrage nouveau qu’elle a donné depuis ; on a dit qu’il y a des talens qui ne s’écrèment qu’une fois.

Voilà la seconde ou la troisième fois que M. Boyeldieu unit sa lyre à celle d’un autre ; il n’est pas heureux en mariage. L’auteur du poëme a gardé l’anonyme ; ceux de la musique ont été plus courageux que lui.

Qu’on n’aille pas croire cependant que la pièce n’ait pas réussi ; elle a été applaudie avec un ensemble qui aurait pu faire croire que Jean Cousin, ce peintre habile, avait lui-même disposé les groupes du parterre.

A. Martainville.

Personnes en lien

Compositrice

Sophie GAIL

(1775 - 1819)

Compositeur

François-Adrien BOIELDIEU

(1775 - 1834)

Œuvres en lien

Angéla ou L'Atelier de Jean Cousin

François-Adrien BOIELDIEU Sophie GAIL

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G. MONTCLOUX D'ÉPINAY

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date de publication : 21/09/23