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Musique. Roma

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MUSIQUE
Théâtre National de l’Opera – Première représentation de Roma, opéra tragique en cinq actes, de M. Henri Cain, d’après Rome vaincue, d’Alexandre Parodi, musique, de M. J. Massenet.

Après le décevant spectacle du Cobzar, l’Opéra, pour son bon renom, se devait de réparer cette regretable erreur par la mise au point d’un ouvrage plus consistant. Et si Roma n’est pas tout à fait le chef-d’œuvre flamboyant tant attendu, c’est du moins une œuvre de haute valeur due à la collaboration d’un véritable librettiste et d’un grand musicien (ce que ne sont ni Mme Vacaresco, ni Mme Ferrari).

Le livret que M. Henri Gain a tiré de la Rome vaincue d’Alexandre Parodi, livret d’une sobriété et d’une netteté irréprochable, résume admirablement l’ouvrage. C’est ainsi qu’au premier acte nous voyons le peuple réuni au Forum, se lamenter sur les victoires d’Annibal et sur la défaite de Rome, et attribuer ses malheurs aux Vestales dont l’une d’elles, Fausta, la maîtresse de Lentulus s’étant attardée en de coupables amours, a laissé éteindre le feu sacré.

Au deuxième acte nous assistons à l’interrogatoire des Vestales. C’est là que Fabius apprend que sa fille Fausta est la grande coupable.

Au troisième acte l’évasion de Fausta et de Lentullus s’opère grâce à la complicité du Gaulois Vestapor qui espère en privant les dieux de leur victime, hâter la chute de Rome.

Fausta repentante revient au quatrième acte, en pleine séance du Sénat, déclarer à ses juges qu’elle est prête à subir son châtiment (à être enterrée vivante) pour sauver sa patrie.

Enfin au cinquième acte, au champ scélérat, elle s’apprête à descendre au tombeau lorsque Posthumia, son aïeule s’approche d’elle. Posthumia est aveugle. Et alors c’est avec une tristesse poignante que nous voyons cette mère chercher à tâtons sur la poitrine de sa fille, la place du cœur, pour y enfoncer le poignard qui, en donnant la mort, abrégera les tortures de Fausta.

Ce sujet a inspiré à M. Massenet une partition bien différente de toutes celles qu’il a écrites jusqu’à ce jour. Sans pourtant abdiquer complètement ses qualités si personnelles de grâce et de charme en faveur d’un genre plus grave et plus solennel que celui de Manon ou Werther, M. Massenet s’est efforcé dans Roma d’être sobre, simple et grand. L’ouverture de Roma est nettement classique, certains chœurs sont vigoureux et le duo des deux basses au deuxième acte est d’une inspiration élevée. À côté de cela il faut remarquer la délicatesse attendrie de l’innocent récit du songe de Junia, la véhémence du duo de Lentulus et de Fausta succédant au gracile intermezzo du début du troisième acte, et aussi les accents douloureux avec lesquels Posthumia implore en vain la pitié des juges pour son enfant.

L’interprétation de Roma est absolument remarquable. Mme Kousnezoff est une Fausta superbe. Servie par une voix exceptionnellement belle et par un physique d’une rare beauté, cette grande artiste qui pourrait comme tant d’autres ne point se soucier d’autre chose ne laisse rien au hasard. Tout ce qu’elle fait est observé, toutes ses attitudes sont magnifiques.

C’est à Mlle Lucy Arbell qu’est dévolu le rôle tragique de l’aveugle Posthumia. J’avoue que j’ai été profondément ému par sa merveilleuse expression dans la douleur.

Mlle Campredon a très heureusement opposé son récit ingénu du songe de Junia à celui plus sévère de la grande prêtresse dit avec autorité par Mlle Germaine Le Senne.

M. Muratore est d’une véhémence extraordinaire dans le rôle de Lentulus ; M. Delmas, ferme et vigoureux dans celui de Fabius ; M. Journet, imposant dans celui du souverain pontife, et M. Noté est un Gaulois énergique. Je dois encore signaler MM. Carrié et Rey qui complétaient dignement cet admirable ensemble.

Les décors de MM. Simas, Rochette, Landrinet, Bailly sont de pures merveilles ; la mise en scène de M. Stuart est d’une grande justesse, et l’orchestre, sous la baguette experte de M. Paul Vidal, s’est vaillamment comporté.

Francis Casadesus.

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Francis CASADESUS

(1870 - 1954)

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Jules MASSENET

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Henri CAIN

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date de publication : 01/11/23