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Fausto de Louise Bertin

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Première représentation de Fausto, au bénéfice de Donzelli. 

Un demi-succès au Théâtre-Italien serait déjà une grande victoire, surtout si l’on considère l’espèce de monopole exclusif qu'exerce sur ce théâtre le génie d'un seul homme, et tout ce qu'exige de perfection le chef-d'œuvre de Mozart pour s'y soutenir. L'auteur de Fausto avait de plus à lutter contre un sujet dont l'effet dramatique perd beaucoup à la scène; ajoutons à cela que le public auquel il a eu affaire hier n'était pas un public ordinaire. Malgré cela il a triomphé heureusement des habitudes du théâtre et de l'ingratitude du sujet. L'ouverture, d'un caractère sombre et fanatique, est parfaitement adaptée à la pièce. Elle a été fort applaudie malgré l'irrégularité du plan et le peu d'enchaînement des idées. L'harmonie légère et vaporeuse des esprits invisibles qui s'élèvent dans le fond du théâtre après que Fausto a évoqué les puissances infernales produit un contraste très heureux. Néanmoins le chœur se prolonge trop ; il est nécessaire de l’abréger pour en rendre l’effet plus saillant. Un accident fort désagréable arrivé à la barbe du docteur et qui a forcé Donzelli à garder longtemps sa main sur sa figure a fait manquer presque tout l’effet du duo qu’il chante avec Méphistophélès. Mais le finale a enlevé tous les suffrages.

Ce chœur plein d’entraînement et de vigueur est d’une facture fort originale : les voix s’y groupent merveilleusement sur une instrumentation pittoresque et hardie.

Le duo du second acte, entre Marguerite et Faust et un morceau achevé. Exposition franche, dessin pur et correct, contour gracieux, rien n’y manque. On pourrait en dire autant du quatuor qui vient après, si la double exposition était moins longue et plus tranchée dans ses détails. En général, on peut reprocher au compositeur de n’avoir pas mis assez de suite dans ses idées. Il y a dans la musique, comme dans le langage, un véritable sens logique, et la musique est aussi un langage. Trop souvent il a cherché de l’effet dans des transitions brusques, dans l’étrangeté des modulations. Il affectionne certaines formes d’accompagnement, telles que des batteries de violoncelles, qui, trop fréquemment répétées, nuisent à la variété. Sa partition, très remarquable sous le rapport du travail harmonique, laisse encore à désirer pour l’instrumentation, pour la manière de nuancer les effets d’orchestre. Les instruments à cuivre surtout doivent encore être pour l’auteur un objet d’étude, comme aussi l’art de poser les voix dans les proportions et suivant les combinaisons les plus favorables à l’ensemble.

Malgré tout cela, cet ouvrage révèle un véritable talent, et, tel qu’il est, il est bien propre à détruire certains préjugés que nourrissent encore certains hommes, et que Rousseau, dans son écrit sur les femmes, a malheureusement contribué à propager.

L’exécution a été généralement très satisfaisante. Dans l’ouverture, deux mauvaises intonations de cors, un couac du hautbois, sont les seules fautes de l’orchestre. Mme Méric-Lalande a déployé un talent très dramatique dans tout le cours de son rôle et surtout dans la scène de la prison. Santini est un très bon diable. Le bénéficiaire, un peu désappointé d’abord par la mésaventure de sa barbe, a retrouvé bientôt son aplomb et a chanté comme à son ordinaire.

Les belles décorations de M. Ferri, et principalement celle qui représente la grande perspective de la place publique, ont contribué au succès de la pièce.

À la chute du rideau, le cri « l’auteur ! l’auteur ! » s’est fait entendre dans toutes les parties de la salle. Le régisseur est venu annoncer que le compositeur désirait garder l’anonyme. Le public s’est soumis avec résignation aux scrupules de la modestie. Mais ce n’était plus un secret, sans quoi le parterre se serait montré moins discret.

La Reine, M. le duc d’Orléans, M. le duc de Nemours et les princesses ont assisté à la représentation. 

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Compositrice

Louise BERTIN

(1805 - 1877)

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Louise BERTIN

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Permalien

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date de publication : 18/09/23