À l'Opéra. Roma
À L’OPÉRA
« Roma »
MM. Messager et Broussan ont mis au répertoire de l’Opéra le drame lyrique de MM. Massenet et Henri Cain, qui fut créé, voici un mois environ, au théâtre de Monte-Carlo.
À cette heure, on répète Roma dans les décors, en costumes et la « première » aura lieu dans les premiers jours de mai.
*
Je suis allé hier rendre visite à M. Henri Cain, le librettiste de Roma.
Oh ! ce n’était pas tout à fait indispensable, car nous savons tous ce qu’est Roma : l’adaptation pieusement fidèle de la Rome vaincue, de Parodi, du répertoire de la Comédie-Française. J’aurais pu, certes, faire l’article de tradition sans ennuyer l’adaptateur. Mais, on est si bien reçu chz M. Henri Cain, avec tant de bonhomie cordiale, d’amusante simplicité, que lorsqu’on y est allé une fois, on ne néglige aucune occasion d’y retourner, qu’au besoin même on la fait naître...
Puis, le joli musée qu’est son home ! oh ! pas un musée selon la formule de nos conservateurs, pas un musée qui vous fait froid aux épaules en entrant, une « Nationale » rétrospective, non, un musée adorable d’intimité vieillotte, où semble parfois flotter un parfum de bergamote et de tabac d’Espagne, où des Fragonard, des Watteau délicieusement blonds vous envoient les sourires de leurs jolies madames qui semblent dire : « C’était à nous tout cela que vous regardez admirativement ; ces jolies bonbonnières de nacre blanche aux arabesques d’argent, et ces éventails mignonnets... C’est-il joli ici... plus joli qu’à côté, où les grenadiers de Raffet montent la garde devant les lourds bahuts, les vieilles, vieilles tapisseries des autres siècles... »
Oui, mais que me voilà loin de mon sujet, de l’Opéra, de Roma.
Vite, vite, laissons toutes ces bagatelles XVIIIe et autres, et montons là-haut, tout là-haut, dans l’atelier de M. Henri Cain où... nous allons retomber sur d’autres bagatelles non moins jolies et adorables mais dont je ne parlerai pas...
– Vous disiez donc, mon cher maître...
– Ah non ! pas de cher maître, ou je me fâche... ou je ne dis plus rien... Si ça vous embête de m’appeler monsieur, appelez-moi patron, comme mes élèves...
– Vous disiez donc, patron...
– Je disais donc que je n’avais pas grand’chose à dire, que ce que je vous dirais vous le savez, que Roma est connue puisqu’on l’a jouée à Monte-Carlo, que... voilà, c’est tout... Arrangez-vous avec cela... et, je suis tranquille, vous en tirerez quelque chose... Vous regardez ces œillets... Prenez-en un... pour faire le beau jeune homme ce soir... Vous êtes marié ? Prenez-en deux, trois, pour madame... Vous les lui offrirez de la part du papa, même du grand-papa que je suis.
– Merci, cher maître...
– Eh ? ...
– Pardon, merci, patron... Et Roma ?
– Encore !... Eh bien, parlez donc de la musique de Massenet, cela vaudra bigrement mieux que de parler du livret qui n’a que le mérite d’avoir été conçu et bâti avec le seul souci de trahir le moins possible l’œuvre de Parodi...
Oui, mais nous savons ce que livret veut dire, et qu’il y a certes plus de mérite à en établir un, que M. Henri Cain, trop modeste, semble le dire, que pour mettre à la mesure d’un opéra les amours de Lentulus et de la vestale Optimia, pour garder à ce drame, son caractère, sa logique et son éclat, il fallut plus d’efforts et de qualités que, trop modeste, ne semble le croire M. Henri Cain.
L. Balitrand.
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Jules MASSENET
/Henri CAIN
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date de publication : 22/09/23