Rapport sur les envois de Rome

Les envois de Rome. L’Académie des Beaux-Arts, dans sa dernière séance, a entendu la lecture du rapport de M. le comte Henri Delaborde, secrétaire perpétuel, sur les envois des pensionnaires musiciens de l’Académie de France à Rome pour l’année 1896. Voici le texte de ce rapport :

M. Rabaud (première année). Le Quatuor pour instruments à cordes composé par M. Rabaud est une œuvre bien pondérée, très purement écrite et dont les différentes parties (les trois premières particulièrement) ne méritent que des éloges.

C’est ce qu’on peut dire aussi des six mélodies que M. Rabaud, aux termes du règlement, a jointes à l’envoi de son quatuor. Elles sont toutes instrumentées avec beaucoup de soin et de goût ; mais celles qui portent les numéros 4, 5 et 6 et les titres de Chanson, Tu m’as dit, Crépuscule, sont plus particulièrement à signaler.

M. Bloch (2^e année). L’envoi de M. Bloch comprend : 1° une Suite symphonique ; 2° un Motet pour chœur et orchestre ; 3° la copie en partition d’une copie du XVIe siècle.

La Suite symphonique, en trois parties, écrite par M. Bloch, permet de constater que ce jeune artiste est en progrès. Chez lui les idées sont devenues plus saillantes ; mais ici le style, moins serré qu’il ne conviendrait, rappelle le style du ballet plutôt que celui de la symphonie. Ajoutons que l’instrumentation est inégale et que, à côté des passages bien traités, certaines parties pourraient, à l’audition, être cause de quelques mécomptes.

Le Motet pour chœur et orchestre sur des paroles françaises est un morceau de facture assez bien écrit, mais d’un seul mouvement et ne présentant pas, au point de vue de la polyphonie, tout l’intérêt qu’il eût pu avoir. L’Académie ne trouve pas dans ce travail des témoignages d’efforts suffisants.

La copie en partition d’un Magnificat d’Arcadelt (1554), d’un Kyrie et d’un Parce famulis de Claudin (1557) a été faite avec soin par M. Bloch et présente de l’intérêt.

M. Busser (3^e année). L’ouverture que M. Busser a intitulée Ouverture de fête, est un morceau bien instrumenté et digne d’être exécuté dans la séance publique annuelle de l’Académie des Beaux-Arts.

Une pastorale en deux parties, Daphnis et Chloé, sur des paroles de M. Charles Raffalli, est une composition musicale d’un sentiment très poétique, où se révèle une certaine originalité dans les idées et dans l’harmonie, bien qu’on puisse reprocher dans l’instrumentation un léger abus de la harpe. Il convient de signaler surtout le premier Chœur de femmes, ainsi que le rôle de Chloé qui est d’un charme pénétrant.

En résumé, l’envoi de M. Büsser mérite les vifs éloges de l’Académie.

M. Silver (4^e année). M. Silver, pour son quatrième et dernier envoi, a soumis à l’examen de l’Académie un opéra biblique en quatre épisodes, Tobie, dont les paroles sont de M. Paul Collin, et la copie d’un ouvrage en un acte de Rameau, la Naissance d’Osiris, représenté à Versailles en 1751, à Paris et à Fontainebleau en 1754, à l’occasion de la naissance du duc de Berry.

Tobie est un ouvrage intéressant, fait avec soin, mais manquant un peu de cette simplicité dans le style que prescrit un sujet biblique. Une certaine monotonie, d’ailleurs, résulte de la façon dont les parties pour les voix sont écrites et aussi de l’abus excessif de la harpe, bien que, en général, les idées, à défaut d’originalité, aient de la distinction et que l’instrumentation soit traitée avec soin. Il ne sera que juste, par exemple, de signaler dans le deuxième épisode d’ingénieux arrangements sur de curieux motifs d’origine hébraïque. En résumé, l’ouvrage de M. Silver fait honneur à la conscience et à l’application de l’artiste, et mérite à celui-ci les encouragements de l’Académie.

La copie de la Naissance d’Osiris d’après le manuscrit original de Rameau, est le résultat de recherches aussi intéressantes que consciencieuses. L’Académie regrette seulement que, dans cette copie, le côté graphique laisse autant à désirer, et qu’une condition aussi importante en pareil cas n’ait pas été remplie avec tout le soin scrupuleux que les pensionnaires doivent apporter à l’exécution de cette partie matérielle de leur tâche.