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Premières représentations. Académie nationale de musique. Roma

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Premières représentations
Académie Nationale de Musique. – Roma, opéra tragique en cinq actes de M. Henri Cain, musique de M. Massenet.

La première représentation de Roma a eu lieu hier soir à l’Opéra devant une salle des plus brillantes.

Les lecteurs de la « Presse » connaissent déjà Roma par le compte rendu détaillé que j’en ai donné au lendemain des représentations de Monte-Carlo.

Je tiens, tout d’abord, à constater qu’au point de vue dramatique comme au point de vue musical l’opéra nouveau de M. Massenet a beaucoup gagné à être transporté sur la scène de l’Opéra.

La mise en scène a plus de style, les ensembles donnent une impression de puissance plus grande, l’orchestre soutient sur une base plus solide l’architecture harmonique.

Dans un cadre plus somptueux, la partition de l’auteur d’« Ariane » dessine la pureté de ses lignes.

C’était une tâche difficile pour un compositeur habitué à exprimer surtout la passion et la tendresse, que de s’efforcer de rendre les rudesses de l’âme romaine.

M. Massenet s’en est tiré à son honneur. Il a compris que c’était par la simplicité seule qu’il pouvait le mieux se rapprocher de la grandeur antique, et les applaudissements du public de la première lui ont prouvé qu’il y avait réussi.

L’interprétation est à peu près la même qu’à Monte-Carlo. J’ai déjà dit que le principal défaut de cette partition était de disperser l’intérêt sur un trop grand nombre de figures, dont aucune n’occupe le premier rang.

Sauf Delmas qui tient la scène pendant les cinq actes, les autres personnages apparaissent et disparaissent comme des images fugitives.

Muratore ne chante qu’au premier, au troisième et au cinquième actes.

Mlle Arbell, après avoir apparu une minute au premier acte, ne se montre à nouveau qu’au quatrième et au cinquième.

Mlle Campredon et Noté n’ont qu’une scène à jouer et à chanter.

Enfin Mme Kousnezoff, que l’on ne voit pas au premier acte, reste en scène sans dire un mot pendant tout le deuxième acte.

Ce manque d’unité et surtout de continuité dans l’interprétation n’est acceptable que si cette interprétation est de tout premier ordre ; et c’est précisément le cas pour Roma.

Delmas a joué et chanté avec l’autorité et la gravité qui lui appartiennent le rôle écrasant de Fabius. Noté exprime avec une vigueur farouche les accents sauvages du Gaulois révolté, et Muratore est un admirable Lentulus, superbe de plastique, et dont la voix souple et chaude exprime aussi bien les fureurs du soldat que les tendresses de l’amant.

Mlle Campredon ne peut évidemment nous faire oublier la perfection avec laquelle Mme Guiraudon a créé le rôle de Junia, mais elle en a rendu avec infiniment de grâce le charme naïf.

Mlle Arbell est très émouvante dans le rôle de Posthumia. Peut-être a-t-elle trop sacrifié les effets musicaux aux effets dramatiques. Elle parle presque autant qu’elle chante, et ses notes deviennent parfois trop systématiquement des gémissements et des hoquets tragiques.

Quant à Mme Maria Kousnezoff, elle n’a que de trop rares occasions de faire valoir ses admirables qualités de cantatrice.

Ce n’est qu’au troisième acte, dans le duo final avec Muratore, qu’elle a pu librement faire entendre les sons charmants de sa voix pure.

C’est d’ailleurs ce troisième acte qui a remporté le plus vif succès. Massenet y a retrouvé toute sa verve passionnée. L’air du ténor, le duo d’amour sont dans le style de Thaïs et de Marcou et l’ovation qui a salué Maria Kousnezoff et Muratore, s’adressait en même temps au compositeur qui a gardé, jusque dans sa vieillesse l’ardeur vivante de ses premières années.

Dans les deux derniers actes, Fausta, qui, reste en scène tout le temps, ne chante que deux phrases d’un style d’ailleurs très pur, mais le rôle même est très important.

Maria Kousnezoff y a fait preuve d’une noblesse d’attitudes et d’une intelligence scénique remarquables.

Son jeu expressif et nuancé a mis au tout premier plan un rôle auquel le compositeur ne pouvait consacrer que quelques mesures de mélodie.

Si créer, c’est faire quelque chose de rien, l’on peut dire que, dans le troisième acte de « Roma », Maria Koussnezoff a été interprète inspirée de la passion de Massenet, mais qu’elle a fait au deuxième, au quatrième et au cinquième actes une création admirable.

Mmes Le Senne et Courlières et M. Journet ont tenu avec leur sûreté et leur goût parfait les rôles de la grande vestale, de Galla et du grand pontife.

M. Vidal dirigeait l’orchestre avec sa conscience et son autorité habituelles.

Marcel Habert.

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Jules MASSENET

(1842 - 1912)

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date de publication : 23/09/23