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Académie des beaux-arts. Séance annuelle

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ACADEMIE DES BEAUX-ARTS.
Séance annuelle. — Fragments de symphonie de M. Conte. — Cantate de M. Guiraud. — Note historique sur Adolphe Adam par M. F. Halévy

Si, depuis cinquante ans et plus que l'Académie des beaux-arts envoie chaque année un lauréat achever ses études musicales à Rome, il nous était aussi revenu chaque année de la ville éternelle un grand compositeur, un grand homme armé de toutes pièces, et capable par la seule force de son génie d'opérer une révolution dans l'art, ou tout au moins d'enfanter une innombrable quantité de chefs-d'oeuvre, la France ne serait-elle pas tentée de se plaindre de l'embarras des richesses et de demander la réforme d'une institution trop largement productive ? Hélas ! on l'a quelquefois réclamée par le motif contraire, et, je me hâte de le dire, sans être plus fondé en raison ! Les hommes de génie viennent quand il plaît à Dieu : nous n'avons pas encore trouvé le secret de les faire, mais les hommes de talent sont quelque chose aussi, et nos académies, nos écoles ne nous en laissent pas manquer. On l'a prouvé maintes fois en parcourant la liste des cinquante et quelques lauréats couronnés dans le dernier demi-siècle. Nous avons publié cette liste, il y a quelques années, et nous la continuerons pour l'honneur, pour la justification de l'Académie.

Voici encore plusieurs jeunes gens qui promettent de ne pas rester au-dessous de leurs devanciers. Le rapport sur les travaux des pensionnaires mentionnait avec éloge MM. Bizet, Colin, Barthe, dont l’un avait envoyé un opéra bouffe, l’autre une messe solennelle, et dont le troisième n’avait pas moins bien rempli tous ses devoirs. La séance s’ouvrait par l’exécution de fragments d’une symphonie composée par M. Conte, lauréat de 1855. Il y a dans ces fragments, un andante et un scherzo, le sentiment mélodique, mais les proportions n’en sont pas bien observées : l’andante, d’ailleurs un peu vague, pèche par excès de longueur ; le scherzo, qui a plus de précision de caractère, par excès de brièveté.

La cantate de M. Guiraud, de l’avis unanime des artistes, est une des meilleures, la meilleure peut-être que l’on ait entendue depuis longtemps. M. Guiraud est fils d’un musicien, qui lui-même en 1827 obtint le grand prix, mais qui, sans renoncer à la musique, s’éloigna de la France, et emporta sa couronne au-delà des mers. Espérons que son fils ne l’imitera pas : il avait commencé par mériter un premier prix de piano au Conservatoire, et par écrire une bonne sonate. Aujourd’hui, sa vocation s’est encore mieux révélée. Il a fait preuve des qualités essentielles au compositeur dramatique. Il comprend bien l’ensemble et les détails : il a l’intelligence, le goût et le savoir. Le petit poème de M. Édouard Monnais, Bajazet et le joueur de flûte, n’était autre chose que la paraphrase des beaux vers de la Harpe, dans son épître au comte de Schouwaloff sur les effets de la nature champêtre. Ces beaux vers avaient déjà fourni le sujet d’un tableau, qui figure dans un de nos musées. M. Édouard Monnais s’est inspiré des vers et du tableau : il a placé un monarque, un guerrier, menacé d’un revers qui va lui enlever le trône, entre un pâtre et une jeune fille, qui ne savent pas seulement de quoi il est question :

…Un berger, assis au pied d’un hêtre,
Bornant à son troupeau ses soins et ses plaisirs,
Egayait en chantant ses innocents loisirs,
Sans songer si l’Asie allait changer de maître.

Ce contraste prêtait à l’expression musicale, et M. Guiraud a su en profiter. Son introduction est charmante ; la romance du pâtre : Emina, ma belle, ne l’est pas moins, et l’excellent chanteur Barbot l’a dite avec un style parfait. Battaille aussi a bien saisi l’accent d’un personnage tel que Bajazet, auquel sa belle voix convenait à merveille. Mlle Faivre complétait le trio, placé, comme l’orchestre, sous l’habile direction de M. Battu. [...]

Paul Smith

Personnes en lien

Librettiste, Journaliste

Édouard MONNAIS

(1798 - 1868)

Compositeur

Ernest GUIRAUD

(1837 - 1892)

Compositeur, Violoniste

Jean CONTE

(1830 - 1888)

Permalien

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date de publication : 21/10/23