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Séance annuelle de l’Académie des beaux-arts

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ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS.
Séance annuelle, le samedi 28 octobre 1876.

La séance d’hier offrait un intérêt tout particulier ; deux cantates étaient exécutées : celle du premier grand prix, M. Hillemacher, et celle du second premier grand prix, M. Véronge de la Nux. L’Académie des beaux-arts, s’appuyant sur un des articles de son règlement, avait jugé bon de faire profiter les concurrents de cette année de la pension que la mort prématurée du regretté Ehrhart laissait libre encore pendant deux ans. Ce n’est pas, du reste, la première fois que l’Institut décerne deux premiers grands prix pour la musique ; déjà Hérold, en 1812, Halévy, en 1819, Berlioz, en 1830 s’étaient trouvés dans le même cas, et il est même assez piquant de remarquer que les concurrents de ces trois maîtres de l’Ecole française ont laissé bien peu de traces de leur passage à l’Institut. Montfort seul est connu, mais Cazot et Massin, qui eurent l’honneur d’être nommés à côté d’Hérold et d’Halévy, sont restés bien oubliés. 

Cette année, nous avons pu constater une assez notable différence entre les deux lauréats. Judith, le poëme de M. Paul Alexandre, est à la vérité médiocre ; les situations en sont mal définies, les vers peu musicaux ; cependant, M. Hillemacher en a tiré parti aussi bien qu’il était possible. Les récitatifs ont de la justesse et de la fermeté, le style est riche et varié, l’instrumentation sonore et dramatique. Les idées mélodiques sont peut-être encore un peu banales, mais on distingue dans cette musique un réel sentiment de la scène, et de louables intentions de coloris et d’expression. Dès le début de la cantate, l’introduction est intéressante et bien écrite. La malédiction de Judith sur l’ennemi d’Israël est largement déclamée ; le chant d’amour du roi d’Assour a de l’élan, et la mélodie dans laquelle le roi évoque le souvenir de la belle Juive est pleine de charme et de poésie ; mais la meilleure page, à notre avis, de la partition de M. Hillemacher est le trio. Annoncé avec franchise et vigueur, il est très bien développé à l’orchestre, et le retour de la pensée première est amené dans la coda avec habileté. Bref, la cantate de M. Hillemacher nous permet de fonder sur lui les meilleures espérances. Elle avait pour exécutants M. Couturier, Mlles Arnaud, de l’Opéra, et Richard. 

Nous savons bien qu’entre la cantate du jeune homme et l’œuvre de l’artiste accompli, la différence est grande ; mais M. Véronge de la Nux a été mal inspiré par le poëme de M. Paul Alexandre. Sa composition manque généralement de relief et de couleur. La qualité principale que l’on peut y signaler est une certaine grâce élégante. Un seul mot la caractérisera : c’est mou, mou dans les idées, mou dans le style, mou dans l’instrumentation. L’harmonie, sage et correcte, est banale ; l’orchestre sans intérêt. Nous n’avons à citer que le chant d’amour du roi, qui ne manque ni de charme, ni de grâce. Dans l’avenir, certainement, M. Véronge de la Nux en appellera par se œuvres de ce jugement sévère ; mais, avant d’entrer dans le domaine de l’art, le jeune compositeur devra complètement dépouiller l’élève, qui se laisse encore trop apercevoir en lui. 

La cantate de M. Véronge de la Nux était exécutée par M. Manoury, Mlles Duvivier et Luigini. M. Dutacq, élève de M. Reber, et M. Rousseau, élève de M. Bazin, se sont partagés les deux seconds grands prix. […]

H. LAVOIX fils.

Personnes en lien

Journaliste

Henri LAVOIX

(1846 - 1897)

Compositeur, Pianiste

Paul VÉRONGE DE LA NUX

(1853 - 1928)

Compositeur, Pianiste

Paul HILLEMACHER

(1852 - 1933)

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date de publication : 21/10/23