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Théâtre. Les Barbares (suite et fin)

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THÉÂTRES 
Opéra : Les Barbares, tragédie lyrique en trois actes.
(Suite et fin).

Il est toujours malaisé de définir la musique d’un maître. Il est plus difficile encore de marquer par quoi telle musique du même maître diffère de telle autre. Et pourtant, – si l’on retrouve dans les Barbares la sûreté, la clarté, le dessin net et sans « bavures », le forme loyale, par où se particularise la musique de M. Saint-Saëns – il semble que ces caractères y soient plus fortement marqués, épurés peut-être, et comme dépouillés. Sensibles, certes, dans ses autres œuvres dramatiques, mais atténués quelquefois par des contrastes de style un peu déconcertants, ces caractères apparaissent dans les Barbares, avec plus d’évidence et plus d’unité. Je ne sais si le dernier ouvrage de M. Saint-Saëns est son ouvrage-type, celui qui, à défaut même des autres, suffirait à montrer le musicien de théâtre qu’il est. Je crois qu’avec Samson, c’est le meilleur et le plus complet qu’il ait donné à la scène… Mais de ce qu’il est le meilleur, il ne s’ensuit pas qu’il soit différent. Et pourtant ce que je voulais tenter de montrer aujourd’hui !... Sans essayer une comparaison presque impossible à faire « en littérature », tâchons du moins de résumer l’impression que nous ont laissée les Barbares. Nous verrons, ensuite, en quoi elle diffère de l’impression donnée par les autres opéras de M. Saint-Saëns.

Les Barbares, au premier aspect, se présentent comme volontairement et résolument réactionnaires. Et cette expression, je vous prie de le croire, n’implique, dans ma pensée, aucune idée de blâme ou même de regret !... Mais le jargon et les habitudes politiques ont donné à ce mot si nécessaire une signification « rétrograde » au sujet de laquelle il ne faut pas laisser de malentendu.

La caractéristique de la « musique moderne » est son effroyable complication. L’influence musicale de Wagner a été aussi considérable que son influence dramatique a été nulle ; et les nouveaux venus ont pris pour point de départ certaines complications que Wagner lui-même déclarait n’être utiles que dans certains cas très particuliers. Combien avons-nous vu de sujets enfantins accablés de musiques d’une imperturbable gravité (dans le sens latin, et dans l’autre) ! Des fantoches de vaudeville et de « mélo » étaient commentés par un orchestre ténébreux et formidable. Une phrase, un simple récit, modulaient plus qu’une symphonie de Beethoven ; des anecdotes insignifiantes étaient prétextes à des musiques métaphysiques… C’était Tristan à Guignol. Et cette disproportion offensante est l’une des causes de l’échec, au théâtre, des nouveaux venus parmi les musiciens. – C’est contre ces méthodes que veut réagir le nouvel ouvrage de M. Saint-Saëns. Et c’est une raison d’en approuver sans réserves les tendances.

Il n’est pas – en apparence – de musique plus simple. Il n’en est pas de plus claire, ni de plus limpide. Il n’en est pas dont la forme arrêtée s’impose plus vite et plus nettement à l’oreille. C’est un tableau, aux traits nets, qui frappe par la précision, un peu sèche d’abord, de ses lignes, et qu’il faut regarder de près pour en découvrir et pour en goûter la délicate variété. On dirait que, hostile au wagnérisme – trop hostile, et pour des raisons qui ne me semblent pas les meilleures – et soucieux de garder à notre musique nationale son caractère propre, M. Saint-Saëns se soit reporté jusqu’aux origines de la musique française. On sait qu’il surveille la belle édition de Rameau que publient MM. Durand et fils. Serait-il téméraire de supposer que sa fréquentation de l’auteur d’Hyppolite et Aricie lui ait donné, avec un nouvel éloignement pour les formes musicales à la mode, le désir de montrer qu’on pouvait aussi écrire « à la française » une tragédie lyrique ? Et qu’empruntant au grand ancêtre ce que ses procédés ont de général et pour ainsi dire d’éternel, il ait voulu les appliquer à la musique « agrandie » de notre époque ? Car si les « imitations » de Rameau sont extrêmement rares dans les Barbares (à vrai dire, il n’y en a pas, si ce n’est peut-être l’hymne à Apollon), il semble que, par la sobriété de l’effet dramatique, par la noblesse de la phrase, par la liberté et par la largeur des récits, par le rythme, et aussi par une sorte de « dignité » d’allure, la musique des Barbares se rapproche, sinon de Rameau lui-même, du moins du « classicisme » musical français… Et il est fort possible aussi que M. Saint-Saëns ait tout bonnement suivi son instinct d’artiste, très français de nature, amoureux de clarté et de rythme ; et cela suffit pour qu’il ait mis dans son œuvre ce qu’il manque le plus aux œuvres contemporaines : la sobriété.

De la musique des Barbares aussi, on pourrait dire « qu’il n’y a pas une note de trop ». Ce qu’il y a d’intéressant, c’est que ces notes discrètes (soutenues par un orchestre infiniment riche et varié) suffisent à leur tâche ! – Et c’est en ce sens, enfin, que l’ouvrage de M. Saint-Saëns est « réactionnaire ».

Mais voici le plus curieux. En même temps qu’elle est réactionnaire par sa ressemblance avec notre théâtre classique musical, la tragédie lyrique de M. Saint-Saëns est extrêmement « moderne ». Nulle musique, assurément, ne ressemble moins à celle de Wagner. Et c’est, sans doute, l’œuvre de M. Saint-Saëns où le style symphonique et le système des motifs-conducteurs (on voit que je prends mes précautions !) sont le plus exactement et le plus intelligemment appliqués.

Je ne parle pas des scènes traitées « d’ensemble », comme le premier acte et la seconde partie du troisième, ni de certains motifs qui accompagnent un personnage, comme la pure phrase de Floria, par exemple, ni des transformations accidentelles que subissent certains thèmes (par exemple celui de l’Amour, quand Floria avoue sa faute aux Vestales). Mais considérez, par exemple, la fanfare de Marcomir. Exposée dans le prologue, elle réapparait à l’entrée du chef germain ; c’est elle qui, adoucie et attendrie, sert de fondement à toute la fin du premier acte (mêlée à la phrase du dieu Thor) et aux jolis dialogues de Marcomir et de Floria ; elle encore qui souligne et « appuie » le long regard qu’échangent les futurs amants. Au second acte, elle s’entend à l’orchestre pendant qu’Hildibrath rapporte les paroles du chef ; elle éclate lorsque Floria appelle Marcomir à son aide ; elle accompagne le dialogue entre celui-ci et Scaurus et résume, en quelque sorte, ce dialogue lorsqu’elle vient se mêler au thème de Scaurus ; c’est cette fanfare encore qui enveloppe le joli chœur de reconnaissance des Vestales. Au troisième acte, la scène où Marcomir rend Orange à Scaurus a cette fanfare pour motif essentiel ; et c’est elle enfin que « chante » Marcomir lorsque Livia, avant de le poignarder, l’accuse de lâcheté.

L’exemple suivant est plus significatif encore. Presque aussitôt après le lever du rideau, et dès que l’orchestre a fini d’exposer le thème principal du premier acte (soyons précis, c’est à la seizième mesure !) une phrase parait à l’orchestre, toute « nue » d’abord, et accompagnée d’un simple trémolo ; puis elle se répète et s’accuse jusqu’au premier chœur des femmes. Elle s’enchaine excellemment au premier thème, et, pendant que celui-ci exprime l’approche des Barbares, l’autre, celui qui nous occupe, semble traduire plus particulièrement les angoisses des Gallo-Romains ; et tous deux restent unis jusqu’à l’entrée de Scaurus. Mais Euryale a succombé. On apporte son corps. Et, dans le dessin d’orchestre qui coupe les lamentations de Livia et son serment de vengeance, vous retrouvez, légèrement modifiée et autrement rythmée, la phrase en question. La voici au second acte, lorsque Livia s’indigne de n’avoir pas trouvé de vengeur, et c’est elle encore, adoucie et atténuée, qui soutient les consolations de Floria. Hildibrath poursuit Scaurus ; Floria appelle Marcomir ; et, de nouveau, la phrase reparaît sous les paroles du consul. Le Germain est près de faire grâce. Le Romain se révolte ; écoutez la phrase qui scande ses bravades ; c’est la même phrase, ou plutôt son « renversement », la crainte s’étant tournée en orgueil. Et, comme conclusion à cette scène la voici qui reparaît, combinée avec la fanfare de Marcomir et avec la phrase par laquelle, au premier acte, Scaurus jurait de mourir pour Rome. Maintenant, c’est la scène entre Marcomir et Floria. Un instant, le thème passe à l’orchestre, soulignant la passion de Marcomir, et bientôt, il éclate à la voix ; impérieux et acharné, il traduit le désir que rien n’arrêtera : « Sois à moi, malgré tes dieux ! » Le voici, hésitant, haletant, pendant que Floria avoue sa faiblesse. Et, quand elle ne peut plus résister, c’est par lui encore, mais moins « autoritaire » et plus caressant, que Marcomir rassure « l’âme éperdue » de Floria. Vous le retrouvez dans le délicieux ensemble où s’unissent les voix des amants : il murmure à l’orchestre, avec une douceur infinie.

Il apparaît un instant, à peine, lorsque Scaurus défend Floria contre l’indignation des Vestales. Enfin, au début de la marche funèbre, il reprend sa forme primitive, ou plutôt sa seconde forme, celle qui exprime la douleur et la vengeance de Livia…

Montrer comment ce thème s’adapte, justement, à ses significations diverses serait trop facile : le lien qui les joint l’une à l’autre est visible. Au contraire, il serait presque impossible d’expliquer par des mots comme il se varie et s’infléchit selon les sentiments qu’il exprime… Mais ce qui est intéressant ici, c’est un exemple de « déduction musicale » presque unique dans l’œuvre dramatique de M. Saint-Saëns. Et, chose plus curieuse encore, cette « tragédie lyrique » où le système du leit motif (il n’y a pas à dire, c’en est !) est méthodiquement appliqué, demeure parfaitement classique. Elle l’est, si le procédé ne l’est point. Elle l’est par la forme des thèmes, par la manière dont ils sont présentés et développés. Ainsi se retrouve, dans les Barbares, l’un des traits qui caractérisent M. Saint-Saëns : ce romantique à outrance, en littérature, est le plus classique des musiciens.

Ce « mélange » donne une nouvelle importance et un intérêt exceptionnels au nouvel ouvrage de M. Saint-Saëns. On voudrait qu’il marquât la fin de ce malentendu, auquel nos musiciens ne sont pas étrangers, et qui consiste à croire que le Drame, tel qu’on l’entend aujourd’hui, ne saurait exister qu’avec la musique wagnérienne. Contre ce malentendu, on a souvent et longuement protesté ici même. Or, pour la première fois, voici de la musique dramatique qui n’a rien, absolument rien de wagnérien, et à qui, pour créer le Drame, il n’a manqué peut-être qu’un poème moins « extérieur ». On semblait croire qu’à la musique française, et de par ses qualités mêmes, il était interdit de suivre avec souplesse les phrases d’un sentiment. Voici que le contraire nous est prouvé… Il se pourrait fort bien, – sinon aujourd’hui, du moins plus tard, – que les Barbares marquassent une étape de notre musique dramatique… Et c’est au moins un admirable commentaire du discours que M. Saint-Saëns adressait hier aux lauréats du Prix de Rome…

On comparait tout à l’heure les Barbares à un tableau dont le premier aspect n’était pas exempt de sécheresse. Et certes, on n’entend pas par là que le sentiment ni la passion même soient absents. Ce qui est vrai, c’est qu’ici, comme toujours chez M. Saint-Saëns, la parole est souveraine, et souveraine exclusive. C’est elle, elle seule, que la musique soutient ; elle la traduit admirablement avec une justesse et une précision singulière, elle ne veut pas l’« agrandir ». Cet « ineffable » dont M. Saint-Saëns parle quelque part, et en qui il voit le domaine propre de la musique, il semble y renoncer. Ou, plutôt, on dirait que le musicien, confiant dans la puissance souveraine de la musique, lui reconnaisse la faculté de tout exprimer, par la seule déclamation. Écoutez les dialogues des Barbares. Les « répliques » se pressent autant que dans un ouvrage littéraire. Ce n’est guère qu’à la fin des actes que l’orchestre « prolonge » un peu les paroles qui ont été prononcées. Et c’est ce qui donne à l’ouvrage l’apparente sécheresse dont il a été parlé.

Cette conception du rôle de la musique entraîne après soi une conception dramatique dont nous verrons les conséquences, et dont le premier inconvénient est qu’elle remet la responsabilité entière de l’ouvrage au librettiste. Si le musicien ne veut rien ajouter à la parole, il faut donc que la parole dise tout. Et peut-être cette plénitude n’est-elle pas fréquente dans les « poèmes »… Mais, s’il est permis de préférer une autre forme de théâtre musical, celle où la musique est plus libre, et peut expliquer, ou plutôt faire sentir, avec plus d’ampleur les caractères des personnages, ce n’est pas une raison pour ne pas rendre justice à une forme différente.

Aussi bien, retrouvons-nous ici les deux méthodes qui se partagent l’art tout entier : l’analyse et la synthèse.

Faut-il peindre un personnage « par l’intérieur », montrer sous chaque action les causes de cette action, sous chaque sentiment le sentiment originel, sous chaque pensée la pensée mère…, et, de ces observations éparses, déduire et créer un caractère ? Faut-il au contraire, s’attacher exclusivement à reproduire de l’extérieur un personnage, chercher, trouver et choisir le mot ou le geste révélateurs, ceux par où se traduit ou se trahit un caractère et l’exprimer par une phrase qui semble être seulement « descriptive » et qui, toutefois, nous révèle le tréfonds de ce personnage ? Combien faudrait-il d’explications pour faire naître en nous l’impression que nous donnent certaines phrases de Flaubert : « Il amusait son esprit à des difficultés faciles »…, ou celle-ci encore : « Musicien et dilettante, jouant des valses sur le piano et admirateur de Töpffer » ?...

En vérité les deux méthodes se valent. L’essentiel est que le personnage « existe ».

Mais il faut remarquer ceci. C’est qu’ainsi rendus les personnages devront être et rester « tout d’une pièce ». Leur attitude « révélatrice », une fois traduite en musique, devra rester identique à elle-même, ce qui n’est pas un avantage, au théâtre. Aussitôt « posé », le personnage ne devra plus « bouger ». Et, s’il bouge, il faudra expliquer son changement avec d’autant plus d’application et d’insistance qu’il nous aura d’abord paru destiné, si l’on peut dire, à l’immobilité.

Considérez, dans les Barbares, Floria et Marcomir. Musicalement, ils se valent, et peut‑être même Marcomir est-il plus richement doté que Floria. D’où vient donc que, tandis que Floria nous donne l’impression d’être un personnage, l’autre nous semble un banal ténor ?... C’est que Floria ne change pas. Vestale, elle se donne néanmoins à Marcomir ?... Soit. Mais d’abord elle est femme, et, pour la logique des actions, nous ne sommes guère exigeants envers le sexe auquel nous devons la Fronde. De plus, écoutez-la avec attention. Rien n’est plus calme, plus pur, plus « distant », que ses réponses à Marcomir (acte Ier). Mais quelle est la phrase musicale dont elle se sert pour arrêter les entreprises du Barbare ? Celle-là même, d’une sérénité et d’une virginité émouvantes, par laquelle elle affirmait sa confiance en Vesta. Elle ne s’indigne ni ne tremble ; pas davantage, elle ne trouve en elle-même un cri d’horreur pour l’étranger. La projection de Vesta suffit pour la préserver du mal… Joignez l’admirable et sereine invocation à la déesse (« Mon âme est calme »), joignez encore la tranquille assurance avec laquelle elle apaise la terreur de ses compagnes, et vous aurez l’élément essentiel de son caractère : la foi en Vesta. Si celle-ci l’abandonne, elle n’aura plus ni force ni courage contre l’amour… Que M. Saint-Saëns n’ait point pensé à ces « belles choses » (qu’il soit même capable de sourire de qui les lui prête), il n’importe. Il reste qu’instinctivement, il a voulu que Floria répondît à Marcomir précisément la même phrase musicale qu’elle adressait à Vesta. C’est donc qu’il n’a vu en elle qu’un seul et même sentiment. Et cela suffit pour que la « chute » de Floria nous paraisse explicable et possible. (Quand à Marcomir, il en a été longuement parlé la semaine dernière.)

Arrêtons ces discussions théoriques. Au surplus, il n’est pas très sûr que cette sécheresse du livret n’ait pas servi M. Saint-Saëns. Elle l’a servi, du moins, mieux que les intrigues compliquées où il se plaît d’ordinaire. A côté d’Ascanio et de Proserpine, le poème des Barbares est une merveille ! Insuffisant parfois, trop « en façade » et trop timide aussi (car les auteurs n’ont pas osé traiter le sujet qu’ils avaient entrevu), il a toutefois la qualité indispensable : la simplicité. Et c’est de cela qu’on voudrait tant que M. Saint-Saëns fût convaincu !... Ce qui nous empêchait d’aimer autant que nous l’aurions voulu ses derniers ouvrages, ce n’était pas sa musique, – rappelez-vous seulement le second acte de Proserpine !mais l’emploi qu’il en faisait. Un musicien d’aujourd’hui ne peut pas être indépendant de son poème. Le goût du public a changé, mais moins que l’état d’esprit des artistes. Un contemporain ne peut plus écrire une mélodie sur un « monstre » que le librettiste, ensuite, accommodera, tant bien que mal, à la musique, à coups de répétitions et d’inversions. Qu’il le veuille ou non, il faudra qu’il tente d’exprimer un sentiment, de traduire en musique l’âme de son personnage. Et pour cela, sans doute, il est nécessaire que ce personnage ait une âme, c’est-à-dire que ses actions soient logiquement commandées par des passions vraisemblables. Mais, à défaut de héros vrais et vivants, il est indispensable qu’un « sentiment » général anime l’ouvrage, – et cela ne peut être qu’avec un livret simple. Deux fois, au premier, et même au troisième acte des Barbares, M. Saint-Saëns a rencontré ce sentiment général, et aussitôt sa musique a retrouvé la fougue, la sûreté, la jeunesse que certains croyaient perdues pour le théâtre. Parce qu’il a traité un sujet simple, il a pu être dramatique sans « mélodrame ». Et il a écrit une « tragédie lyrique » qui est de la vraie musique française, expressive, claire, souple, noble et sobre, et, pour me servir d’un mot qui est revenu bien souvent dans cet article : de la musique classique.

Ce qu’on voudrait maintenant, – et avec quelle ferveur et quelle confiance ! – c’est que M. Saint-Saëns fût à lui-même son propre librettiste. Qu’il prenne un sujet « de chez-nous », –simple surtout ! – qu’il s’en pénètre, qu’il l’écrive (nul n’en est plus capable que lui) et qu’il le mette en musique à sa guise, sans se soucier d’être autre chose que ce qu’il est. Vous verrez, alors, quelle œuvre complète il nous donnera, et comme la musique saura se répandre dans un drame qui aura été longuement et musicalement pensé ! Cet ouvrage, il nous le doit. Il le doit à ceux qui l’admirent, et qui veulent que le chef de notre école musicale ajoute à sa gloire une gloire plus grande encore. Il le doit aussi, – j’allais dire : surtout ! – à ceux que la clarté « dégoûte » et qui, comme le personnage de Flaubert cité plus haut, ne se complaisent que dans des difficultés… plus faciles que la noble simplicité des Barbares.

JACQUES DU TILLET

La Revue politique et littéraire (ou « Revue bleue »), 23 novembre 1901, p. 666-669.

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date de publication : 03/11/23