Quatuor avec piano n^o 1 en si bémol

Le 4 juin 1905, dans le cadre de son salon, Mel Bonis dévoile son Quatuor avec piano n^o 1 qu’elle interprète en compagnie de Louis Duttenhofer (violon), Paulin Gaillard (alto) et un certain Delhaye (violoncelle). Publiée par Demets, l’œuvre est ensuite reprise le 22 mai 1906 à la salle Berlioz, puis en juin 1908 à la Société nationale des Beaux-Arts. Chacun de ces concerts suscite des éloges, les chroniqueurs soulignant l’« élégance » de la musique, sa « simplicité » et son « charme » (que Le Mercure musical juge « très féminin mais non efféminé »). Ces qualités servent en fait de repoussoir aux dissonances et aux « modulations bizarres » que dénoncent ces mêmes critiques dans d’autres œuvres de leur temps. Mais, en 1906, Le Guide musical glisse une remarque intéressante : « [Ce] quatuor pour piano et archets n’a pas la prétention d’une œuvre sévère ; il est plutôt une suite en quatre mouvements où le piano tient une place un peu prépondérante. » La conduite du discours s’écarte en effet de la dialectique de la sonate, fondée sur des contrastes. Ici, l’évolution vers une expression plus passionnée ou un retour au calme s’effectue progressivement, sans à-coup. Si le deuxième mouvement s’intitule Intermezzo, le vocable pourrait aussi convenir au Moderato initial que berce une mesure ternaire. En outre, la tonalité évolutive s’éloigne de l’univers de la sonate : les mouvements sont successivement en si bémol majeur, mi bémol majeur, sol mineur (avec une fin en solmajeur) et de nouveau sol mineur. En 1900, Mel Bonis avait déjà structuré sa Suite orientale selon des principes similaires.