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Opéra. Thaïs

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OPÉRA. — Thaïs, comédie lyrique de MM. Louis et J. Massenet.

Le poème tiré du roman de M. Anatole France était bien fait pour tenter le musicien. C’est le mélange de toutes les exquises voluptés de l’Alexandrie corrompue avec les rêveries austères de la Thébaïde. C’est la lutte de Thaïs, la courtisane, fidèle à Vénus, avec Athanaël, le moine croyant en Dieu.

Athanaël rêve de sauver Thaïs et, malgré les avertissements de ses frères, qui le supplient de ne point se mêler aux gens du siècle, il veut ramener à Dieu la prêtresse de Vénus. Une vision, où celle-ci lui apparaît affolant tout un peuple par ses danses voluptueuses, le décide.

Il part et arrive sur la terrasse de la maison de Nicias, l’un des jeunes viveurs d’Alexandrie. C’est là, sous un ciel radieux, au milieu des parfums et des femmes, qu’il verra Thaïs, qu’il la vaincra.

Le moine se revêt d’habits de fête, et tandis que des groupes de comédiennes et de courtisanes l’entourent de leurs troublantes théories et le charment de leur caressante voix, il est mis face à face avec Thaïs et la brave. Celle-ci, ravissante et souple, lui dit les douceurs de l’amour, le provoque par ses poses lascives et l’appelle en son palais.

Athanaël ira. En effet, il apparaît à Thaïs au moment où celle-ci, fatiguée des plaisirs de la soirée, quitte avec inquiétude son miroir qui, lui montrant sa beauté, a éveillé en elle le souci de la vieillesse, l’idée de la mort. Athanaël lui prêche l’oubli des vains plaisirs et lui fait entrevoir les joies d’une éternité bienheureuse. Thaïs s’étonne, sourit, puis, se reprenant, entoure de ses beaux bras la statue de Vénus, et, fixant l’étranger, elle murmure une mystérieuse incantation. Athanaël se révolte, déchire ses habits de fête, apparaît dans son costume religieux et maudit la chair.

C’est la lutte terrible où la courtisane, embrassant l’image de sa déesse, appelle à son secours les charmes puissants de l’Amour, tandis que le moine, fort de sa foi, combat pour gagner une âme à son Dieu. Le moine l’emporte et Thaïs repentante et craintive se jette à ses pieds et s’engage à le suivre dans le désert et à chercher dans la retraite l’oubli des plaisirs et le pardon de ses fautes.

Malgré les supplications de ses anciens amis et de la foule qui entoure son palais, la courtisane se met sous la protection d’Athanaël qui la conduit dans un couvent de religieuses. Puis, Athanaël retourne chez ses compagnons de la Thébaïde, mais il poursuivi par la vision de la femme dont Thaïs lui a révélé tous les charmes. Il supplie Dieu de lui épargner d’aussi troublantes visions et s’endort. Pendant son sommeil les esprits de l’abîme lui apparaissent et l’entraînent dans une contrée merveilleuse toute semée de roses et remplie de parfums où des femmes l’entourent de leurs danses provoquantes.

Puis Thaïs se montre à lui souriante comme dans Alexandrie et l’appelant à l’Amour. Cependant, une voix plaintive s’élève qui dit : « Thaïs va mourir. »

Comme un insensé, Athanaël s’élance dans le désert, gagne le couvent où repose la courtisane entourée de religieuses et mourante.

Éperdu, le moine se jette à ses pieds, lui rappelle les suggestions passées et lui avoue son amour. Il oublie le ciel et veut entourer la courtisane de ses bras. Mais Thaïs est sourde à ses prières, elle est toute à l’extase et ne rêve qu’au ciel qu’elle entrevoit.

Elle meurt et Athanaël tombe foudroyé à ses côtés.

Ce poème touchant et vibrant de passion était tout plein du contraste, des chants voluptueux de la terre soumise à Vénus et des harmonies divines. M. Massenet l’a bien compris. Il a habilement traduit les accents enchanteurs qui enveloppent la ville d’Alexandrie et ses fêtes. Toute la scène sur la terrasse de Nicias est charmante. De même, les chants de la courtisane cherchant, à la fin du premier acte et au deuxième acte, lorsqu’elle défend Vénus et vante les bienfaits de l’Amour.

Malheureusement, les exhortations religieuses du moine sont moins bien mises en valeur. Il fallait là une puissance qui fait défaut dans l’œuvre. À peine pendant le second acte un chant religieux s’élève-t-il en réponse aux douces mélodies écrites en l’honneur de Vénus.

M. Massenet a compris le contraste, mais il ne l’a pas rendu. Seuls les accents de Thaïs et les mélodies dont ils sont enveloppés sont sincères et vrais. Toute la partie vigoureuse du poème est noyée dans le vague, et l’ensemble de l’œuvre en souffre.

Quant au ballet qui se trouve dans le troisième acte, il n’est ni harmonieusement écrit, ni heureusement réglé.

C’est un mélange d’Excelsior et des Folies-Bergère. On pense à une tentation de saint Antoine, où tout l’avantage resterait au moine, que ni les danses ni la mélodie ne seraient capables de faire succomber.

Mlle Mauri, malgré ses efforts, ne parvient pas à nous intéresser à cette déplorable partie de l’ouvrage.

En somme, Thaïs me paraît être la plus faible des œuvres de M. Massenet. A part quelques pages intéressantes, l’ensemble produit un sentiment de réel ennui.

Mlle Sanderson est une délicieuse Thaïs. Sa grâce exquise, son charme de jolie femme, sa voix puissante et souple, son grand talent, ont immédiatement enthousiasmé les habitués de l’Opéra.

M. Delmas a une fort belle voix de baryton, mais qui se fatigue assez rapidement. Il a tiré bon parti du rôle bien ingrat d’Athanaël.

M. Alvarez met peu en relief les quelques mesures de celui de Nicias.

Intérim.

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(1842 - 1912)

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date de publication : 23/09/23