Joseph

En 1810, l’Institut couronna Joseph du prix du meilleur opéra-comique de la décennie. Pourtant, lors de sa création au Théâtre Feydeau le 17 février 1807, cette partition en trois actes, d’après l’histoire de Joseph vendu par ses frères (chapitres 37-46 du Livre de la Genèse), fut boudée par le public (appréciée néanmoins par la critique). Trop atypique pour l’auditoire, qui attendit la reprise de 1851 pour lui réserver un accueil triomphal. La mode de l’Égypte et la prégnance du sentiment religieux n’étaient pas suffisantes pour assurer le succès, car le livret en prose d’Alexandre Duval avait inspiré une musique en marge de l’opéra-comique de l’époque. Voilà une œuvre à l’écriture plus contrapuntique qu’à l’accoutumée, sans personnages féminins si l’on excepte une jeune fille au rôle accessoire – Benjamin, le plus jeune frère, est toutefois chanté par une soprano qui introduit un heureux contraste de couleur. Si plusieurs airs empruntent au genre de la romance (« À peine au sortir de l’enfance » chanté par Joseph, « Ah ! lorsque la mort trop cruelle » par Benjamin), Méhul cultive le plus souvent des sonorités instrumentales rappelant les orchestres révolutionnaires, et un registre soutenu hérité de Gluck : récit et air de Joseph « Vainement Pharaon », air de Siméon avec chœur « Non, non, l’Éternel que j’offense », prière chorale quasi a cappella « Dieu d’Israël ». À la frontière de l’église et du théâtre, parfois donné sous la forme d’un oratorio au XIX^e siècle, son opéra biblique influença des œuvres comme Ruthde Franck, L’Enfance du Christ de Berlioz, Samson et Dalila de Saint-Saëns. Elle s’inscrit, à son époque, dans la mouvance de l’opéra biblique à des fins de rechristianisation de l’Empire : La Mort d’Adam de Le Sueur, La Mort d’Abel de Kretuzer, etc.