Chronique musicale. Déjanire. Proserpine
CHRONIQUE MUSICALE
Théâtre National de l’Opéra : Déjanire, tragédie en 4 actes, paroles de Louis Gallet, musique de M. C. Saint-Saëns[1].
Théâtre du Trianon-Lyrique : Reprise de Proserpine, drame lyrique en 4 actes, paroles de Gallet, musique de M. C. Saint-Saëns.
On regrette que le maître illustre ne se soit pas inspiré plus directement du texte même des Trachiniennes. L’Héraklès et la Déjanire de Sophocle sont mille fois plus touchants, plus humains, plus musicaux, que ceux de Louis Gallet. Je suppose que, par fidélité à la mémoire de son collaborateur et ami, M. Saint-Saëns ne s’est pas reconnu le droit d’un changement si radical. Noble sentiment, mais qui l’a privé des plus belles « scènes à faire » ; et, tout de même, c’est dommage.
Je le confesse (malgré le grand respect que l’on doit à l’auteur d’une musique aussi parfaitement écrite), l’expression des sentiments individuels qu’elle traduit ne m’émeut guère. Par contre, la partie chorale m’intéresse et me touche bien davantage. Il me semble qu’ici M. Saint-Saëns a réalisé ce qu’il avait rêvé de faire pour toute cette pièce : une musique aux lignes simples et larges, comme celles d’une architecture ou d’un drame antique. Par l’emploi très heureux des admirables modes grecs, par le caractère même des mélodies qu’ils chantent, ces chœurs évoquent plus d’une fois l’art et le pays des anciens Hellènes. Un peu académiques, assurément, comme certaines statues du musée du Louvre, mais avec une fermeté de contour, une solidité d’écriture, et ce quelque chose de-définitif que présentent les œuvres des maîtres, même (et je dirais volontiers : surtout) lorsqu’elles ne sont pas des chefs-d’œuvre sublimes.
C’est avec joie que j’ai su la reprise de Proserpine. La musique en est charmante, émue, discrète. Elle traduit avec une sensibilité naïve, pure, juvénile, presque enfantine, ce que je crois être la vraie nature de M. Saint-Saëns. Il faut le dire et le redire : c’est une pure merveille que le finale du second acte, et tout ce second acte est rempli d’une fraîcheur et d’une sérénité délicieuses.
Et maintenant, quand reprendra-t-on cet Ascanio si aimé des musiciens, si peu connu du public, et qui me semble bien, peut-être, le chef-d’œuvre de M. Saint-Saëns ? Mais quand jouera-t-on les Noces de Figaro et Benvenuto Cellini, et le Roi malgré lui, et Messidor ?
Charles KŒCHLIN.
[1] Déjanire, tragédie de Louis Gallet (avec rôles parlés) et avec musique de scène de M. Saint-Saëns, fut représentée aux arènes de Béziers il y a quelque douze ans.
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publication date : 21/09/23