Bruxelles. La Fille de Madame Angot

BRUXELLES. — La « Fille de Mme Angot ». — M. Humbert, directeur du théâtre des Fantaisies-Parisiennes, tient en ce moment un succès, un vrai succès avec la « Fille de Mme Angot », opéra bouffe en trois actes, de Clairville, Siraudin, Koning et Lecocq.

Depuis longtemps nous n’avons eu au théâtre une pièce mieux réussie ; c’est intéressant, c’est honnête, c’est coquet, et, disons-le, la mise en scène est digne de l’œuvre.

L’action se passe en 1798, pendant le Directoire. Nous assistons à une intrigue amoureuse entre la verdurette Clairette (Mlle Luigini) et Pitou (Mario Widmer), le chansonnier réactionnaire. Clairette est aimée en même temps de Pomponnet (Joly), un perruquier à bonnes fortunes, avec lequel elle doit se marier. Mlle Lange (Mlle Desclauzas), la célèbre cantatrice de ce temps, joue un rôle important dans cet ouvrage, car on n’ignore pas que Mlle Lange, protégée par Barras, exerçait une certaine influence parmi les conspirateurs réactionnaires, à la tête desquels elle place ici le chansonnier Pitou. Mais à quoi bon continuer à vous mettre au courant de ce qui défile devant les spectateurs durant ces trois actes ? N’allez-vous pas bientôt pouvoir apprécier la « File de Mme Angot » au théâtre de M. Cantin ? et pendant que vous ferez connaissance avec les « artistes créateurs » de la pièce, nous aurons, nous, par contre, « Héloïse et Abeilard », par la troupe des Folies-Dramatiques.

Rarement, à Bruxelles, on n’a rendu une nouveauté dans d’aussi bonnes conditions, et c’est justice de féliciter M. Humbert des soins qu’il a apportés à cette pièce. Les décors, les costumes surtout, dessinés par l’inimitable Grévin, sont des merveilles d’exécution. Quant à l’interprétation, il convient de citer tout particulièrement Mlle Luigini, qui a fort bien dit les couplets :

Eh bien ! vraiment, ce n’était pas la peine 
De changer de gouvernement. 

Le chœur des conspirateurs :

Perruques blondes et collets noirs, 

est bissé avec enthousiasme.

Mlle Desclauzas donne admirablement la réplique à Mario Widmer dans deux couplets charmants de la République, et à Mlle Luigini, dans des couplets où sont évoqués leurs souvenirs de jeunesse.

Mme Delorme est bien dans le rôle d’une commère de la halle, et chaque soir on lui fait répéter :

Pas bégueule, 
Forte en gueule, 
Telle était la mère Angot.

Enfin, citons encore MM. Mario-Widmer ; Touse, le muscadin ebcentrique ; et Charlier, tous trois convenables,

En somme, immense succès, mine d’or pour l’habile Humbert, dont le zèle et les efforts se trouvent et se trouveront largement récompensés. […]

P. de Perceval