Fausto de Louise Bertin

La semaine dernière nous a offert à ce théâtre une première représentation qu’il faut enregistrer. Le Faust de Mlle B... est une tentative musicale extrêmement remarquable. Les connaisseurs ont été surpris de rencontrer une pensée si forte, une telle science des ressources de l’harmonie, non seulement chez un amateur, mais encore chez une femme. Un finale et deux ou trois morceaux ont paru dignes d’un maître. Il y a dans certains chœurs, dans certains effets d’accompagnement, quelque chose qui approche de la manière diabolique que Weber avait cherchée aussi. Mais cette mélodie sévère ne peut guère se soutenir sans inconvénient pendant trois actes. Il faut des repos pour l’émotion ; il faut des silences pour les trombones. Je ne doute point que l’auteur n’eût trouvé aisément dans son imagination quelques-uns de ces motifs gracieux qui séduisent la grande majorité du public.

Ce n’est pas tout que l’inspiration, l’art est bien quelque chose, et c’est l’art surtout qui manque à l’auteur de Fausto. Si elle s’était associée à quelqu’un de nos compositeurs pour son ouvrage, il offrirait des morceaux mieux conçus et aboutissant chacun à un effet final. La vérité dramatique est sans doute toujours désirable et le musicien ne doit pas la sacrifier à l’effet ou à la vocale, mais l’émotion dramatique trop soutenue ou trop prolongée fatigue à la fin l’auditeur. L’oreille veut aussi être charmée, à tort ou à raison. Mlle... pourra aisément acquérir ce qui lui manque sous ce rapport, tandis que ce qu’elle a ne s’acquiert pas.