Le Pré aux clercs

Le théâtre du Vaudeville, cette sultane favorite du public, avait donné le signal. Aussi toutes les administrations théâtrales voulurent avoir leurs jours gras. L’Opéra-Comique a maintenant son moyen âge aussi.

Le baron de Mergy est l’amant aimé d’Isabelle de Montalte, il a pour rival le comte de Comminges, rude jouteur, qui tue un homme chaque matin avant son déjeuner, sans doute pour se mettre en appétit.

Charles IX, qui a remarqué la beauté d’Isabelle, ne veut pas l’accorder à Mergy. Mergy, aidé de la princesse de Navarre, femme bien compatissante en vérité, doit se rendre à l’hôtellerie du Pré aux Clercs pour l’enlever ; mais il a osé appeler en duel le comte de Comminges et c’est là même, sur le Pré aux Clercs, que doivent se mesurer les deux rivaux. Ils vont se battre un peu plus loin, derrière la coulisse, cela ne fait pas de mal et cela prépare le dénouement. Isabelle et la princesse de Navarre impatientes de revoir Mergy, sortent de l’hôtellerie et alors, vous, spectateur inoffensif et paisible, vous voyez passer au fond du théâtre une barque contenant un agonisant, c’est l’un des deux combattants ; le batelier le voit trépasser, et, ne sachant que faire de ce corps, il le lance dans cette Seine que nous voyons couler chaque jour. Vous pleurez peut-être, peut-être croyez-vous que c’est Mergy qui a succombé, réjouissez-vous au contraire ; car le défunt est Comminges, cet effrayant spadassin, qui vient de trouver à qui parler. En définitive, ce dénouement est animé, bien présenté et intéressant.

La musique est le point capital de l’ouvrage. La partition est, disons-le franchement, admirable de fraîcheur, de variété et de mélodie. L’ouverture est savante, harmonieuse et large. Le trio et le chœur de la mascarade du second acte, enfin le trio du troisième qui a été redemandé avec trépignements, doivent assurer un très-grand, très-mérité, et très-prolongé succès à l’opéra-comique : le Pré aux Clercs.