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Chronique. Le Roi d'Ys

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CHRONIQUE
Théâtre de l’Opéra-Comique. — Le Roi d’Ys, drame lyrique en trois actes et cinq tableaux par M. Ed. Blau, musique de M. Edouard Lalo.

Le théâtre de l’Opéra-Comique vient de remporter un grand et légitime succès avec la nouvelle œuvre de M. Lalo. Ce compositaire [sic], dont le nom n’était guère connu que des habitués des Concerts parisiens, reçoit enfin une tardive mais éclatante réparation. Il faut féliciter M. Paravey d’avoir rompu avec les anciennes traditions de la salle Favard et de nous avoir révélé une œuvre, qui, avec Sigurd, de M. Reyer, est une des plus fortes que nous ayons entendues depuis ces vingt dernières années.

M. Lalo n’emprunte rien à l’école allemande ou italienne. Son style est clair et mélodique sans jamais tomber dans la banalité ; tour à tour, gracieux et touchant, religieux ou pathétique, il varie, s’élève et grandit avec la situation du poème. L’orchestration est traitée de main de maître ; la science s’y montre sans fatiguer les oreilles et ne sert pas à cacher, comme cela arrive trop souvent, sous des combinaisons recherchées et pénibles, la médiocrité ou le vide de l’inspiration. C’est une œuvre essentiellement française.

Le livret est supérieurement traité. M. Blau s’est inspiré d’une légende bretonne en la modifiant, toutefois, selon les exigences scéniques.

Le roi d’Ys, pour terminer une guerre terrible qu’il soutient contre un puissant voisin, le comte de Karnac, a promis à ce dernier, comme gage de paix, la main de sa fille aînée, Margared. Karnac arrive pour conclure le mariage, mais Margared ayant appris le retour de son ami d’enfance, Mylio, qu’elle aimait en secret et croyait disparu pour toujours, refuse net l’alliance projetée. De cet affront, Karnac jure de tirer vengeance : la guerre reprendra plus cruelle que jamais. Mylio désigné pour commander l’armée du roi d’Ys, invoque la protection de Saint-Corentin. Il met en déroute l’armée de Karnac puis demande et obtient pour prix de sa victoire, la main de la jeune sœur de Margared, la douce et chaste Rozenn qu’il aime et qui l’aime.

Margared, furieuse de se voir ainsi dédaignée, ne songe plus qu’à se venger. Elle se met à la recherche de Karnac ; c’est lui qui servira sa haine. Elle le rencontre fugitif et désespéré, et lui révèle que la ville d’Ys, n’est protégée contre la fureur des flots que par des écluses, et qu’en les ouvrant le pays entier disparaîtra englouti.

À peine a-t-elle révélé ce terrible secret que la statue de Saint-Corentin s’anime et que le protecteur d’Ys l’adjure de renoncer à ses coupables projets.

Accablée par le remords, Margared refuse de livrer à Karnac le secret des écluses ; elle rentre repentante et confuse au palais de son père où elle arrive à l’instant où Mylio et Rozenn sortent de la chapelle ; ils viennent d’être unis. Elle entend leurs chants d’allégresse ; alors torturée par la jalousie, elle fuit avec Karnac et va ouvrir les écluses. La mer se précipite et envahit le pays. Le peuple se réfugie sur une colline, mais les flots montent toujours. La voix de Saint-Corentin se fait de nouveau entendre, pour annoncer que l’inondation ne s’arrêtera qu’après la mort du coupable. Margared avoue son crime et se précipite dans l’Océan.

Le troisième acte a été littéralement acclamé tout est à citer : la sérénade de Mylio qui vient chercher sa fiancée, le chœur qui suit, et la réponse de Rozenn ; le duo, déjà célèbre, des deux époux, exquisement touchant et poétique.

Les deux premiers actes contiennent également des passages de toute beauté : le chœur du début, le duo de Karnac et du roi d’Ys, et la phrase d’entrée de Mylio, dans le second tableau : un quatuor bien développé et l’air si suave de Rozenn. Enfin dans le troisième tableau : un duo dramatique entre Karnac et Margared et le chant grave et religieux de Saint Corentin soutenu par le chœur invisible des anges.

L’interprétation du roi d’Ys est excellente. Mlle Simonnet est gracieuse et touchante dans le rôle de Rozenn où elle s’est révélée grande chanteuse. Mlle Deschamps est une farouche Margared ; il fallait sa voix puissante et bien timbrée pour rendre sans fatigue la véhémence et les emportements du rôle.

M. Bouvet en comte de Karnac s’est autant fait applaudir comme chanteur et comme comédien M. Cobalet tient avec beaucoup d’autorité et d’ampleur le rôle du roi d’Ys. M. Fournet est un très bon Saint Corentin.

M. Talazac a obtenu un très grand succès dans le rôle de Mylio.

II faut encore féliciter les chœurs et surtout l’orchestre qui sous l’habile direction de M. Danbé, s’est tiré avec honneur des difficultés de cette remarquable partition.

J.-B. Lamy. 

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Édouard LALO

(1823 - 1892)

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