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Chronique théâtrale. Le Roi d'Ys

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Chronique théâtrale
Le Roi d’Ys, drame lyrique en trois actes et cinq tableaux, poème de M. Edouard Blau, musique de M. Edouard Lalo, vient d’obtenir un brillant succès sur la scène de l’Opéra-Comique de Paris.

La légende bretonne où M. Blau a puisé son scénario est vraiment fort jolie et se prêtait merveilleusement à la musique.
Le roi d’Ys a deux filles, Margareth et Rosem, dont la première est destinée au guerrier Franck Karnac, un des plus vaillants compagnons de Charlemagne. Cette union doit apaiser les différends qui se sont élevés entre les Franks et les Bretons et qui ne se sont pas encore éteints. Mais quand Karnac arrive pour recevoir des mains du roi sa fiancée, celle-ci refuse l’époux que son père lui présente, Un tel outrage enflamme de colère Karnac, qui déclare au roi d’Ys une guerre à mort et lui jette son gant à la face. Ce gant, Mylio, un seigneur breton, le relève.

C’est lui qui commandera les guerriers qui iront combattre les Franks. Mylio a une raison d’agir ainsi : il aime Rosem, la seconde fille du roi, et il en est aimé. Mais ce qu’il ignore, c’est que Margareth l’aime aussi et que c’est pour ce motif qu’elle a repoussé Karnac. Margareth, qui se doute de l’amour de Rosem et de Mylio, épie les deux amants et entend les serments qu’ils échangent avant le départ de Mylio pour la bataille. Alors, emportée par la colère et la jalousie, Margareth s’enfuit de chez son père et se met à la recherche de Karnac, avec qui elle veut s’allier pour la vengeance.

Elle arrive trop tard, Karnac a été vaincu. À la prière des Bretons, saint Corentin, leur patron, a accompli un miracle, et il a changé les soldats francs en statues de pierre, Karnac erre dans la lande déserte et il y rencontre Margareth.

Tous deux sont misérables, les vêtements en lambeaux, pareils à des mendiants. Comment donc se vengeront-ils ? Alors Margareth laisse échapper son secret, elle connaît le système de digues qui défend la ville d’Ys contre la mer, elle n’aura qu’à indiquer à Karnac où il faut pratiquer une brèche, et tout sera englouti. En vain saint Corentin apparaît aux malheureux pour les conjurer de ne point mettre leur protêt à exécution, ils n’écoutent pas les avis du saint prélat et jurent d’anéantir leurs ennemis.

Cependant, fidèle à sa parole, le roi d’Ys marie sa fille Rosem à Mylio. Margareth, qui hésitait encore, ne peut tenir à ce spectacle et entraîne Karnac vers les digues. Et quand le mariage vient d’être prononcé, alors que Mylio et Rosem échangent leurs premières tendresses, une rumeur s’élève dans la ville, le peuple envahit le palais du prince.
Les digues sont brisées, la mer monte et va submerger Ys et ses habitants. Et en effet, le roi peut à peine sauver la moitié de ses sujets, avec lesquels il se rend sur le plateau du pays d’Ys. Mais la mer s’élève toujours. Saint Corentin apparaît de nouveau et déclare au roi que, pour calmer le courroux divin, il faut qu’un de ses proches, d’ailleurs criminelle, se sacrifie. — Qui donc, demande le roi ? — Mais Margareth se désigne elle-même, et elle se jette dans la mer, qui s’apaise aussitôt. Quand à Karnac, il a été tué par Mylio.

Telle est cette légende à la fois poétique et dramatique. Elle a admirablement inspiré le musicien qui a produit une œuvre de beIle venue, ce qu’on a certainement entendu de mieux depuis Sigurd.

La partition a le grand mérite d’être claire, les chœurs sont traités avec une maestria remarquable et les rares ensembles ont de bonnes sonorités. C’est la production d’un musicien qui sait son métier.

Les plus belles pages de la partition sont dans le dernier acte, depuis le petit divertissement qui ouvre la scène du mariage jusqu’à la fin. Il y a là, resserrés en ces deux tableaux, un épithalame de Mylio et une romance de Rosem qui sont délicieux, et un trio entre le roi, Rosem et Margareth d’une facture élégante et délicate. C’est senti et pénétrant à la fois, et sûrement ce sont là les parties les plus remarquables de l’œuvre de M. Lalo.

Le succès d’interprétation a été surtout pour M. Talazac (Mylio) et pour Mlle Simonnet (Rosem). Mlle Deschamps (Margaret), M. Bouvet (Karnac) et M. Fournets (saint Corentin) ont eu aussi leur part de succès, mais leurs rôles sont moins bons que les deux premiers.

La mise en scène, décors et costumes sans atteindre aux chefs-d’œuvre de M. Carvalho, a paru toutefois d’un homme de goût et d’un artiste.

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Composer

Édouard LALO

(1823 - 1892)

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Édouard LALO

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