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La soirée théâtrale. Maître Péronilla

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La soirée théâtrale.

[...] En sortant du Cirque je suis allé flâner pendant quelques quarts-d’heure dans les coulisses des Bouffes où l’on répétait, pour la première fois, généralement, avec orchestre, mais sans costumes, le Balsamo de la rue de Choiseul, c’est-à-dire l’opérette nouvelle d’Offenbach sur laquelle M. Comte fonde les plus grandes espérances.

Maître Péronilla est une pièce espagnole. Or depuis que la joyeuse Estudiantina que vous savez tourne la tête aux Parisiens les moins épris de couleur locale ; depuis que tous les portiers des Batignolles ne lisent leur Petit Journal qu’en jouant des castagnettes, on porte journellement à M. Comte une demi-douzaine de pièces se passant de l’autre côté des Pyrénées.

Invariablement, l’auteur, en déposant… son manuscrit, fait le même boniment en disant que le pays des bacheliers de Salamanque est à la mode, qu’on est affamé de boléros, qu’on a soif de sérénades et que le directeur, assez malin pour profiter de cet engouement est sûr de faire sa fortune et de pouvoir s’acheter des châteaux ailleurs qu’en Espagne.

Bien entendu, M. Comte est enchanté de ce symptôme qui lui semble d’un bon augure pour le succès de Maître Peronilla.

On sait et j’ai raconté ici même que le livret de la nouvelle opérette n’a pas d’auteur, ou du moins que son auteur persiste à se cacher avec une modestie que la violette elle-même n’est jamais parvenue à égaler.

Tout ce qu’on a pu savoir, jusqu’à présent au sujet de ce personnage mystérieux, c’est qu’un homme masqué s’est présenté dernièrement à l’agence Peragallo et a demandé, comme auteur de Maître Peronilla, une forte avance, sur ses droits futurs. Il paraît que le ton de l’inconnu était empreint d’une telle sincérité que M. Peragallo n’a pu s’empêcher d’accéder à sa demande.

Si invraisemblable que l’aventure puisse paraître, on me la garantit d’une exactitude scrupuleuse.

M. Offenbach a cependant failli avoir un indice plus sérieux.

L’autre jour, il rencontre un de ses amis qui lui dit avec tout le mystère que comporte un pareil sujet

— Je crois que je le connais,

— Qui ça ? 

— L’auteur de Peronilla.

— Ah ! bah, réplique le maestro, beaucoup plus surpris qu’on ne le croirait.

— Oui… c’est un homme du monde.

— Pas possible !

— Un de mes intimes. Il m’a lu, il n’y a pas longtemps, le scénario d’une opérette, et je suis persuadé que c’est la vôtre.

— Vous m’étonnez.

— Jugez plutôt. Votre pièce se passe en Espagne, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Il y a un corrégidor ?

— Parfaitement.

— Des alguazils, peut-être ?

— Des alguazils.

— On y joue de la mandoline ?

— C’est vrai.

— A un certain moment des petites femmes travesties, drapées dans des manteaux, chantent une seguedille ?

— En effet.

— Et à propos de manteaux, vos costumes ont des tons éclatants, des grelots, des résilles, des capes, des sombreros et un tas de choses en os…

— Oui, tout cela s’y trouve, s’écrie enfin, Offenbach, puisque la pièce est espagnole, mais la question n’est pas là : quelle est l’intrigue du livret de votre ami ?

— Ah ! par exemple, vous m’en demandez trop !

Et le compositeur de Peronilla rentra encore chez lui ce jour-là sans connaître le nom de son collaborateur.

On travaillait ferme, ce soir, aux Bouffes, et une grande animation régnait dans le foyer des artistes. Outre Peschard et Paola Marié, heureuses de se retrouver ensemble dans la même opérette, et une jolie débutante, dont il ne m’a encore été donné de juger que le plumage, Mlle Humberta, la troupe féminine de M. Comte a été renforcée de quelques gentilles déesses de l’Olympe en disponibilité d’Orphée.

La Vénus dernière manière de la Gaîté. Mlle Fanny Robert, se trouve du nombre. Il paraît que cette intéressante gommeuse est décidée à ne plus être que la fiancée de l’art. Depuis les Métamorphoses on n’aura jamais vu quelque chose de plus complet comme transformation.

Une demi-indiscrétion pour finir.

On remarquera dans Maître Peronilla une table à truc sur laquelle la direction compte comme on ne compte habituellement que sur les étoiles.

Ce clou, cet accessoire à sensation, a été construit avec un soin inouï d’après les indications fournies par Offenbach lui-même. A en juger par la solidité de ce chef-d’œuvre de menuiserie, on comprend qu’il est fait pour durer longtemps.

Un Monsieur de l’orchestre.

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Composer, Cellist

Jacques OFFENBACH

(1819 - 1880)

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publication date : 24/09/23