Théâtre-Lyrique. Reprise de Faust

Reprise de Faust. — Début du ténor Guardi.

La reprise de Faust de M. Gounod a fait revenir la foule au Théâtre-Lyrique.

M^me Miolan-Carvalho rentrait dans le rôle de Marguerite, la plus complète, selon nous, et la plus parfaite de ses créations. Elle fait de la scène des bijoux une merveille : jamais la finesse de la comédienne, jamais l'art du chant ne sont allés plus loin. Quelle chasteté et quelle passion dans la dernière scène du second acte, où sous l'influence diabolique, Marguerite se jette dans les bras de Faust ! Il n'existe sur aucune scène française une artiste capable de rendre avec tant de naïveté, de passion sincère et de pureté une situation de ce genre.

Il ne vient pas ! ce mélancolique refrain de la chanson du rouet, où Gounod, selon nous, a surpassé Schubert, M^me Miolan-Carvalho le répète d'une voix brisée, avec un sanglot si profond et si vrai que toute la salle a pleuré avec elle.

Que citer encore ? La scène de l'église, où l'éminente cantatrice peint avec tant de vérité et une si profonde variété de moyens l'indicible horreur qui s'infiltre dans les veines de la pauvre Marguerite, touchée déjà par le souffle empoisonné du démon. Dans la scène de la prison, M^me Carvalho s'élève au plus haut degré du pathétique, et jette sa prière vers le ciel avec une fougue, une énergie, une ampleur extraordinaires.

Saluée à son entrée par une double salve de bravos, rappelée à plusieurs reprises, couverte de bouquets et de fleurs, M^me Carvalho paraissait heureuse de son triomphe ; triomphe bien mérité, car il nous semble que M^me Carvalho a acquis encore des qualités nouvelles, et réalisé ce tour de force : le progrès dans la perfection.

Après M^me Miolan-Carvalho, l'intérêt de la soirée portait naturellement sur Guardi, débutant dans le rôle de Faust qu'il devait créer à l'origine. Le nouveau ténor, qui jouait et qui chantait en public pour la première fois, était en proie à une émotion très-vive. Néanmoins il a supporté avec succès cette décisive épreuve. Guardi possède une vraie voix de ténor bien timbré, qui monte avec facilité et même avec éclat. II a montré de la chaleur, de l'intelligence ; on comprend en l'écoutant qu'il est excellent musicien ; le reste viendra naturellement.

Balanqué s'est fait, comme toujours, applaudir dans le rôle de Méphistophélès, et les chœurs ont eu leur double succès, avec le petit chœur des vieillards et cet admirable chœur des soldats, si large dans sa coupe, si délicat dans les détails, et que le public enthousiasmé a voulu entendre deux fois.

A. V.