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Opéra-Comique. Reprise de Cendrillon

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THÉÂTRE ROYAL DE L’OPÉRA-COMIQUE.
REPRISE DE Cendrillon.

L’interminable succès de Richard et du Déserteur a mis le directeur de l’Opéra-Comique en goût de chercher dans l’ancien répertoire des pièces capables d’obtenir une semblable vogue. En voltigeant de reprise en reprise, ce directeur fait-il bien, fait-il mal ? Il y a beaucoup de choses et de très bons argumens à faire valoir en faveur de ces deux manières de voir. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il fait des recettes. Donc il fait bien ou Barème est faux, comme dit le respectable M. Prud’homme.

Certainement la France théâtrale est la nourrice de ses innombrables lecteurs, puisqu’il est vrai qu’elle leur prodigue, avec une tendresse et une générosité sans exemple dans les annales du journalisme, le lait des saines doctrines ; mais elle n’est pas encore assez nourrice pour leur raconter ce vieux conte bleu de Cendrillon, que les petits enfans savent avant de connaître l’art si primitif de tirer la langue à leurs père et mère, et de pleurer pour avoir des confitures.

Nous nous bornerons à dire qu’en s’emparant de ce sujet, d’une manière si poétique, d’un fantastique si naturel. M. Etienne, de l’Académie française et du Constitutionnel, l’a réduit à des. proportions bourgeoises, qui le rendent infiniment prix Monthyon et rosière de Nanterre. « Du naïf au jobard il n’y a qu’un pas, » disait Napoléon. Ce pas, M, Etienne l’a franchi en traitant le conte de Cendrillon. Nous n’en voulons pour preuve que cette maxime, capable de révolter toutes les jolies femmes de Paris et les modistes de la rue Vivienne, qui, en général, sont très laides :

« La bonté est la plus belle des parures ! »

et cette rose dont M. Etienne fait le talisman de Cendrillon, tandis qu’il est prouvé, par l’expérience de tous les siècles, que la reine des fleurs expose les jeunes filles qui la possèdent à des dangers insurmontables.

La musique écrite par Nicolo sur le POÈME de M. Etienne ; de l’Académie française, et du Constitutionnel, ne manque pas de- grâce naïve, de fraîcheur, d’invention et de franchise, mais le caractère féerique n’y est pas du tout exprimé. C’est du fantastique bourgeois, terre à terre, qu’on y trouve à chaque instant et non de cette fantaisie idéale et poétique, la seule capable de transporter un public de ce temps-ci dans les régions, imaginaires du conte de fées. Toutefois, il faut dire que le naturel et l’abondance des motifs fait passer sur ces défauts qui, peut-être, étaient des qualités à l’époque où Nicolo écrivait sa partition, et en sont encore sans doute pour le public peu rêveur de l’Opéra-Comique.

Ad. Adam a retouché l’instrumentation avec son goût parfait. On a pris texte de cela pour l’accabler de critiques fort injustes. Eh ! mes bons petits messieurs qui critiquez si bien, ne craignez-vous pas qu’un de ces jours Adam renonce aux arrangemens des anciens ouvrages, et qu’on ne vous les fasse entendre avec leur orchestre, candide... et embêtant, où le ronron des instrumens à cordes, entremêlé de très peu d’effets, d’instrumens à vent, domine de manière à faire dormir le plus intrépide dilettante du temps de l’empire.

Adam a ajouté à la partition de Nicolo un air varié, très brillant que Mme CASIMIR dit en cantatrice consommée.

Il y a bien un peu de maniéré et d’afféterie dans la naïveté de Mlle DARCIER (Cendrillon) ; mais ce léger défaut est racheté par tant de grâce et de gentillesse, qu’on n’a pas le courage de le lui reprocher. Mlle REVILLY s’est acquittée de sa tâche en femme de talent. AUDRAN chante son air du second acte mieux qu’il n’a jamais chanté ! CHIGNON, sans faire oublier LABLACHE dans le rôle du père, s’en tire pourtant à son honneur. GRARB est un magicien qui vocalise parfaitement, mais qui laisse toujours deviner les paroles qu’il prononce. Enfin, SAINTE-FOY, sauf quelques charges trop fortes, met toute la bêtise nécessaire dans le rôle de Dandini.

Somme toute, Cendrillon aura du succès pendant le carnaval, et sera toujours une excellente pièce à mettre sur l’affiche, le dimanche.

Alco jeune.

P. S. Nous l’avouons avec ce courage qui nous caractérise, la partition de Nicolo ne vaut pas celle de Rossini.

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Composer, Editor

Nicolò ISOUARD

(1773 - 1818)

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Cendrillon

Nicolò ISOUARD

/

Charles-Guillaume ÉTIENNE

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publication date : 22/09/23