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Théâtres / La Soirée parisienne. Maître Péronilla

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THÉÂTRES
Bouffes-Parisiens. — Maître Peronilla, opéra- bouffe en trois actes, paroles de M. X., musique de M. Offenbach.

Les directeurs parisiens essayent de temps en temps de renouveler le truc d’Héloïse Paranquet, qui a si bien réussi à M. Durantin, et de piquer la curiosité du public en lui cachant le nom de l’auteur dont ils répètent l’ouvrage. Cédant à l’exemple de ses collègues, M. Comte s’est amusé à faire courir le bruit qu’il ne connaissait pas l’écrivain auquel est dû le livret de la pièce qu’il vient de représenter, et à raconter que le compositeur, enthousiasmé à la lecture du manuscrit anonyme, s’était mis immédiatement à en faire la musique.

Tous les moyens sont bons quand ils aboutissent ; mais il faut bien avouer que le public commence à être un peu blasé sur ces prétendus mystères, et qu’il sait toujours à quoi s en tenir. Ce qu’il ignore pourtant cette fois, ce sont les véritables motifs qui ont engagé l’auteur masqué à garder jusqu’au bout un silence prudent mais n’insistons pas sur ce sujet, et contentons-nous de voir jusqu’à quel point la combinaison de MM. Comte et Offenbach a rempli leur but.

Il y a certes une idée plaisante dans Maître Peronilla : une jeune fille qui se trouve épouser deux maris, l’un par-devant notaire, l‘autre devant les autels, et qui est accusée de bigamie jusqu’au moment où la validité de l’union qu’elle préfère est déclarée par un de ces tribunaux de fantaisie qui surgissent trop souvent au troisième acte des opéras-bouffes. Mais l’auteur, visiblement gêné, comme s’il avait eu devant les yeux un modèle dont il cherchait à s’inspirer tout en s’efforçant de ne le point copier, n’a pas pu donner à sa pièce les développements qu’elle aurait comportés, et s’est arrêté court au moment où l’intrigue devait se corser et produire les effets comiques et les situations drôles indiquées par l’exposition.

[Résumé de l’intrigue]

Nous avions eu dans Babiole, qui précédait sur l’affiche des Bouffes Maître Peronilla, un troisième acte représentant également un tribunal, et je dois dire qu’il nous avait paru beaucoup plus drôle que celui-ci dont les longueurs ont légèrement refroidi l’enthousiasme produit par le superbe finale au second acte. Heureusement que ce finale n’est pas le seul morceau qu’Offenbach ait réussi dans sa partition. Je puis citer, au courant de la plume, une jolie sérénade, qui vient immédiatement après l’introduction, et que chante fort bien Mlle Paola Marié ; une ballade pleine de couleur, dite à merveille par Mme Girard, et une romance adorable, dans laquelle Mme Peschard fait preuve de son talent ordinaire.

Signalons encore un rondeau-galop détaillé avec une finesse de nuances excessive par Mlle Marié ; puis une malaguena, un vrai bijou, qu’on a redemandé, et dont Mme Peschard fait ressortir toute l’élégance et toute la saveur par sa maestria ; vient ensuite le finale dont je parlais plus haut, qui a produit le plus grand effet, et dans lequel se trouve une espèce de trio où se marient admirablement le soprano de Mme Peschard et le contralto de Mlle Paola.

Je ne trouve guère au troisième acte que d’agréables couplets, ceux du maître à chanter ; mais ce que j’ai cité suffit à prouver que le maestro Offenbach pleine est toujours en possession de son talent, et que sa verve est toujours inépuisable.

La pièce, qui est montée avec beaucoup de soin et de luxe, a pour interprètes des artistes de premier ordre. Mmes Peschard, Marié et Girard, sont trois chanteuses de race qui ont été chaleureusement applaudies.

Quant à Mlle Humbert, la débutante, elle est assez jolie : c’est tout ce qu’on peut dire d’elle pour le moment.

Daubray et Jolly sont amusants comme toujours.

François Oswald.

[...]

La soirée parisienne

Maître Peronilla, la nouvelle pièce des Bouffes, a l’air d’être éclos au temps où les questions faisaient florès.

Depuis que l’on nous l’annonce, on répète partout : Maître Peronilla est, pour la musique, de M. Jacques Offenbach ; pour les paroles, de M. X…, ce qui équivaut absolument à ceci : « Voici le musicien ; cherchez le parolier ! »

Malheureusement, « Où est le chat ? Cherchez la bergère ! Trouvez le Bulgare ! » et toutes les autres questions sont passées de mode.

Le masque qui couvre la figure de l’auteur anonyme n’a pu intriguer que quelques badauds.

Depuis longtemps on aurait pu imprimer ce nom d’auteur dans tous les journaux bien informés et, ce soir, chacun se le répétait à l’oreille dans les couloirs des Bouffes.

Cherchez l’auteur !

Pendant ce temps, je vais vous parler du nouvel opéra-comique du théâtre des Bouffes. Remarquez que je me garde absolument d’imprimer les mots opéra-bouffe.

Je les ai prononcés, par mégarde, hier soir, dans les coulisses, et j’ai failli me faire écharper.

L'opéra comique, — de par la volonté des compositeurs à la mode de nos théâtres de genre, — a tué l’opéra-bouffe, Vive donc l’opéra-comique !

Ce soir, du reste, en lisant l’affiche du théâtre du passage Choiseul, on croirait lire une affiche de l’Opéra-Comique.

On y retrouve, à côté des noms de chanteuses comme Mmes Peschard et Paola Marié, celui de Mme Girard et ceux da MM. Troy et Montaubry. L’un est le frère du fameux baryton, l’autre le fils du célèbre chanteur. Il est vrai que M. Montaubry fils n’a pas une note à chanter dans la pièce.

Signalons un engagement heureux, c’est celui du nouveau chef d’orchestre, M. Thibault, un transfuge du Théâtre-Lyrique celui-là, que les compositeurs seront heureux de trouver au pupitre.

*

La mise en scène de Maître Peronilla est très convenable.

Le cadre fait ressortir à merveille les costumes qui, pour la plupart, sont charmants.

Grévin s’est lancé à corps perdu dans une Espagne de fantaisie qui lui a inspiré des costumes réellement originaux : ceux de MM. Daubray et Jolly sont fort amusants.

Les estafiers, les soldats, les paysans, les juges ont prêté à une incroyable variété de couleurs éblouissantes, crues mêmes, tranchant les unes sur les autres, à une débauche de pompons, de franges et de fanfreluches.

Mme Girard porte très crânement un costume de matrone rouge orangé, bleu et or, avec le grand peigne planté dans le chignon et retenant la mantille.

On sent que Grévin a habillé cette fois Mmes Peschard et Paola Marié : il a su les amincir dans des travestis.

Le costume d’Alvarez-Peschard est à la fois fort riche et fort distingué :

Maillot de soie noire, avec jarretières de soie rouge, justaucorps de velours noir brodé de perles d’acier, manteau rouge à cordelière d’acier, toquet de velours noir.

Le tout avec un peu de satin rouge par-ci, par-là, discrètement, rien que pour trancher sur le fond noir. Mlle Paola-Marié a une culotte collante en velours noir avec chausses grises et blouse de laine même nuance, ceinture rouge et chapeau arlequin noir comme celui des étudiants espagnols, agrémenté de la cuiller en os et de rubans aux couleurs nationales. Aussi, à l’entrée de la charmante chanteuse, une partie de la salle s’est-elle écriée :

La Estudiantina !

Signalons encore les petits costumes des pages du lever de rideau du second acte jaune, blanc et or. Ils sont très crânes et surtout très crânement portés principalement par Mlle Fanny Robert, fort gentillette, ma foi, en travesti.

Les deux costumes de Mlle Humbert sont aussi fort jolis.

— Plus qu’elle, disait près de moi une méchante langue.

*

Beau et excellent public ! II ne demandait qu’à rire, et a franchement éclaté en entendant certains mots.

Quand Daubray s’écrit :

— Le chocolat conduit à tout !

La salle tout entière s’est prise à rire. Puis, quand il ajoute :

— Voyez plutôt mes deux villas à la campagne et…

— Au parc Monceau ! a fait tout haut un spectateur.

Il y a eu, à ce moment, une protestation furieuse, probablement de la part d’un rédacteur du Bien public.

Les couplets que chante ensuite M. Daubray essayent, il est vrai, de dépister les spectateurs et d’attirer leur attention sur un autre chocolatier, M. Perron…nilla.

— Tu peux parler de Perron… mais nier le nom de l’autre, impossible ! disait-on dans tout l’orchestre. Plus tard, quand Mme Girard défile le chapelet de ses noms de baptême et qu’on l’arrête, un autre habitué de première a dit assez haut :

— Demandez la fin à Miranda.

Il était précisément au premier rang.

Il en a été ainsi durant toute la soirée.

*

Personne dans les coulisses ; elles sont encombrées par la figuration.

Nous y rencontrons pourtant Mlle Juliette Girard. La gentille Serpolette, depuis que sa mère répète aux Bouffes, ne la quitte pas d’un instant ; aussi prétend-on qu’elle a peur pour sa vertu.

— Elle lui sert de chaperon ! disait-on ce soir.

Et maintenant, avez-vous trouvé le nom de l’auteur ?

— Non ! Eh bien, on l’a nommé ce soir au baisser du rideau, bien qu’on n’ait prononcé que le seul nom de M. Jacques Offenbach.

Avez-vous deviné ?

Parisine.

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Composer, Cellist

Jacques OFFENBACH

(1819 - 1880)

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publication date : 26/09/23