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Les Abencérages de Cherubini

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ACADÉMIE IMPÉRIALE DE MUSIQUE.

Les Abencérages.

Après une aussi longue interruption, c’était véritablement une reprise que la dernière représentation des Abencérages. Parmi les spectateurs qu’elle avait attirés, il y en avait beaucoup, sans doute, qui se promettaient un plaisir particulier de voir jouer le rôle de Noraïme par Mme Branchu, qu’une maladie subite avait forcée de l’abandonner dès le premier jour. Leur attente n’aura pas été trompée : l’actrice et la cantatrice se sont fait également admirer dans tous les endroits qui prêtent au développement de ce double talent. Nourrit trouverait difficilement dans tout son emploi un rôle qui lui convint mieux que celui d’Almanzor. Il semble avoir été l’objet de prédilection du compositeur : c’est celui, du moins, auquel il a donné l’expression la plus animée et la pénétrante. Il est impossible de rendre avec plus de charme et de sentiment que le fait Nourrit l’air du premier acte : Enfin j’ai vu naître l’aurore, et celui du second : C’en est fait, j’ai vu disparaître. Les applaudissements unanimes qui lui sont prodigués lorsqu’il ordonne à son écuyer de suspendre ses armes aux murs dont il est contraint de se bannir, doivent lui prouver chaque fois que ce ne sont pas toujours les mouvements de force et les grands éclats de voix qui touchent le plus au théâtre. Un talent aussi distingué, aussi pur que celui de Nourrit ne doit pas s’abaisser au charlatanisme qu’ont mis trop long-tems à la mode des chanteurs, ou plutôt des chantres dépourvus des premiers principes de l’art.

Après m’être vu forcé de lui reprocher les souvenirs de cette détestable école, dans sa première scène d’Armide, j’éprouve un vrai plaisir à le féliciter du goût exquis avec lequel il a exécuté dernièrement tous les morceaux du superbe rôle d’Orphée. L’on ne peut trop encourager les acteurs et les actrices de l’Opéra qui ont la conscience de leurs moyens et de leur mérite, de se mettre au-dessus des honteux applaudissements de ce groupe de Visigots entassés sous le lustre. Le goût doit veiller à ce que ce foyer de barbarie ne propage point la corruption au-delà du point qui lui est abandonné.

La partie instrumentale de l’opéra des Abencérages, sans être jamais surchargée, est d’un travail tellement délicat et fini, qu’elle exige une exécution singulièrement nette et précise : aussi offre-t-elle une nouvelle occasion de reconnaître combien l’orchestre de l’Académie impériale a gagné depuis un certain tems. Les connaisseurs aperçoivent bien cependant dans le rang des violoncelles quelques vétérans qui ont soin d’avertir que l’heure de la retraite a sonné pour eux ; mais les égards dus à d’anciens serviteurs finiront par s’accorder avec l’intérêt général, et cette vaste réunion d’artistes pourra présenter alors un ensemble parfait.

Les poètes, a-t-on dit cent fois, ont le privilège de tout embellir ; personne n’a donc le droit de reprocher à l’auteur des Abencérages d’avoir tracé un portrait aussi brillant du fameux Gonzalve de Cordoue. Mais n’aurait-il pas un peu étonné nos pères, et notamment le sire de Brantôme, qui, dans son naïf langage, dit que pour donner au guerrier espagnol le beau titre de grand capitaine, « il n’y a pas tant de quoy ? » Il raconte sa défaite par le maréchal d’Aubigny dans la Calabre, et il ajoute : « Consalve s’enfuit très-bien et beau et à belles erres jusque dans Reggio ; et bien luy servit de l’avoir trouvé à propos, car autrement il estoit troussé ; et, pour montrer qu’audit Consalve ses astuces luy servirent bien autant et plus que ses vaillantises, il prit pour devise une grande arbaleste de passe, laquelle se bande avec poulies, et ces mots escrits : Ingenium superat vires, comme voulant dire qu’il n’y a si belle force que l’esprit et l’industrie de l’homme ne surpasse. » Gonzalve mourut, mécontent et disgracié, à Grenade même, où nous le voyons, à l’Opéra, jouer un rôle si glorieux. Quand il fut mort, le roi Ferdinand lui fit faire de magnifiques obsèques, « et le voilà, dit Brantôme, bien guéry et ressuscité ! »

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Composer

Luigi CHERUBINI

(1760 - 1842)

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Étienne de JOUY

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