Les soirs de première. Le Roi d'Ys
LES SOIRS DE PREMIÈRES
Opéra-Comique. – Le roi d’Ys, opéra en trois actes de M. Ed. Blau, musique de M. Ed. Lalo.
Nous attendions depuis deux ans que MM. Ritt et Gaillard se décidassent à monter sur notre première scène lyrique un chef-d’œuvre vraiment digne d’y être représenté.
Tout est venu à point, comme dit le proverbe, et nous avons eu le Roi d’Ys, de M. Lalo ; disons de Lalo tout court, la chose est permise, – elle s’impose même, après le grand succès d’hier.
Mais, par un hasard inexplicable, ce n’est pas dans le superbe monument qui se dresse entre les rues Auber, Meyerbeer, Scribe, Halévy, etc., etc., qu’il nous a été donné d’applaudir le Roi d’Ys.
Ce ne sont ni les Reszké, ni Mme Caron, ni Mlle Richard qui ont eu l’honneur d’interpréter la nouvelle œuvre de Lalo ; ce sont simplement les artistes de l’Opéra-Comique, sous la direction de M. Paravey, un directeur qui vient de Nantes, pour ramener enfin le public dans l’ancienne salle du théâtre des Nations.
Le jeune débutant dont le nom a été acclamé hier soir n’est pas âgé de moins de soixante ans. M. Fétis, l’historiographe assermenté des musiciens contemporains, donne M. Lalo comme né vers 1830.
Et c’est la première fois, vous entendez, la première fois que ce musicien, dont le talent est aujourd’hui reconnu et apprécié par tous, arrive à faire représenter une œuvre complète sur un grand théâtre subventionné.
Je sais bien qu’il y a eu Namouna, un ballet de l’Opéra, et des succès sans nombre dans les concerts classiques. Mais avouez que depuis quarante ans que Lalo est connu des seuls artistes, on aurait pu lui donner l’occasion de se produire devant le grand public. Peut-être serait-il le dernier à s’en plaindre, car le succès du Roi d’Ys était fait d’avance. Tous ceux – et ils sont nombreux – qui avaient assisté à la répétition générale en étaient sortis émerveillés.
Hier, ils ont fait chorus avec ceux des auditeurs pour qui c’était une vraie première et le succès a été complet, toute la salle debout, enfiévrée, applaudissait à tout rompre et l’on a fait relever par deux fois le rideau après le dernier acte.
Talazac a été admirable : il y a des moments où il semble chanter dans le ciel ; sa voix, qu’il modèle avec une douceur exquise, a transporté l’auditoire. On l’a rappelé après chacun de ses morceaux.
Il semblerait qu’à côté de lui aucun artiste pût se faire de place : pourtant M. Bouvet a été très applaudi, et M. Cohalet, dans le rôle du Roi, a trouvé des accents d’une gravité superbe et des phrases tout à fait grandioses.
Mlles Deschamps et Simonnet ont eu aussi leur bonne part dans les bravos : la première, tragique au possible, avec sa belle voix de mezzo-soprano, une des plus imposantes que nous ayons jamais entendues ; la seconde, d’une douceur et d’une finesse qui la secondaient admirablement dans ses duos avec M. Talazac.
Quant à l’orchestre de M. Danbé, son éloge n’est plus à faire. Il a exécuté l’ouverture avec une perfection absolue, et on peut dire qu’il a assuré le succès du Roi d’Ys par la virtuosité déployée dans l’exécution de ce premier morceau.
Belle et mémorable soirée, qui honore au premier chef la nouvelle direction de l’Opéra-Comique.
Surtac
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Édouard LALO
/Édouard BLAU
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publication date : 02/11/23