La Vestale de Spontini
Académie Impériale de Musique
La Vestale, paroles de M. Jouy, musique de M. Spontini
Tout le monde sait qu’à Rome les Vestales étaient des enfans des premières familles, que l’on assujettissait au vœu de chasteté, et dont les principales fonctions étaient de conserver le feu sacré. On sait aussi que celles qui le laissaient éteindre, surtout quand elles transgressaient leur vœu, étaient enterrées toutes vivantes, et que leur séducteur expirait sous les coups de fouet.
Malgré la rigueur de ces châtimens, l’histoire rapporte plusieurs événemens de cette espèce, et c’est une circonstance semblable que M. Jouy a choisie pour le fond de son ouvrage.
Le consul Licinius revient à Rome pour recevoir les honneurs du triomphe. Il est éperdument amoureux d’une jeune Vestale nommée Julia. À la suite de son triomphe, il reçoit une couronne ; c’est précisément son amante qui est chargée de la lui poser sur la tête. Il profite de cet instant pour lui annoncer qu’il s’introduira la nuit même dans le temple de Vesta, ce qu’il ne manque pas de faire ; mais pendant qu’ils se jurent leur amour, le feu sacré s’éteint. La Vestale est condamnée à mort par le grand pontife. Elle est dépouillée de ses ornemens et couverte d’un crêpe noir. Au moment où on la descend dans le tombeau, son amant, suivi de soldats armés, se présente pour la soustraire au supplice ; mais la déesse manifeste sa clémence en faisant de nouveau descendre du ciel le feu sacré ; le grand-prêtre dégage Julia de ses vœux et l’unit à son amant. L’auteur a imaginé ce dénouement, pour sauver l’odieux du supplice, qui eût été une barbarie révoltante, surtout aux yeux de spectateurs français. Son poëme est bien coupé pour la scène et pour la musique ; l’action marche bien et l’intérêt va croissant ; il est particulièrement très-dramatique au second acte. Parmi plusieurs objections que l’on pourrait cependant lui faire, nous nous bornerons à une seule ; nous lui demanderons pourquoi il a fait engager un combat au dénouement. Outre que cette démarche audacieuse n’est pas trop vraisemblable, et qu’elle ne sert à rien, elle paraît propre à irrite la déesse qui devient par trop bonne de pardonner au moment où on l’offense de nouveau de la manière la plus irrévérencieuse. N’eût-il pas mieux valu présenter le peuple dans un chœur, suppliant la déesse ; le grand-pontife lui-même effrayé d’un supplice aussi terrible ; Licinius, au moment où il se précipiterait dans la tombe, apercevant Cinna, son ami, qui accourt suivi de soldats pour le sauver avec Julia, ressortir et se jeter au-devant d’eux pour les empêcher de commettre un sacrilège. Alors le pardon de la déesse serait mieux motivé, et la catastrophe conduite avec plus de vraisemblance et peut-être avec plus de succès, alors deux choses également choquantes disparaîtraient et seraient motivées différemment : la manière dont Licinius abandonne Julia dans le temple, et les menaces déplacées qu’il adresse au grand prêtre.
La musique a contribué au succès complet qu’a obtenu cette production. Elle est généralement mélodieuse, et elle a de la vigueur quand la situation l’exige. La plupart des morceaux ont été vivement applaudis ; entre autres, un duo au 1er acte, presque tout le second, mais particulièrement le chœur qui le termine. Ce second acte est le plus fort et le plus beau de tout l’ouvrage. L’orchestre est riche en effets, et jamais il e nuit à ceux du chant. On est néanmoins forcé d’avouer que tout n’est pas également bon dans cette composition, et que si l’on se livrait à un examen sévère, on y trouverait beaucoup de choses à relever ; mais le plaisir rend peu difficile. Nous dirons seulement que l’ouverture, dépourvue de motifs au commencement, est peu variée et manque l’originalité ; plusieurs passages, dans le cours de la pièce, nous ont paru offrir des réminiscences un peu trop marquées d’ouvrages très connus ; tels qu’Iphigénie en Aulide, Alceste, etc. Le motif de quelques airs a un caractère de légèreté qui contraste par trop avec le pathétique de la situation : du reste, les airs des ballets sont charmans.
Les danses du 1er acte ont été arrangées M. Gardel. On y retrouve partout l’esprit et le génie inventif de cet excellent chorégraphe ; celles du seoncd acte sont dues à M. Milton, qui y a également montré beaucoup de goût. L’exécution de toutes ces danses a été parfaite ; elle est confiée aux premiers sujets. Vestris, Saint-Amand, Mmes Gardel, Chevigny, Clotilde, etc., se sont particulièrement fait applaudir.
Les décorations sont de la plus grande beauté ; celle du 3e acte, qui représente un clair de lune reflétant sur le champ des tombeaux, offre un tableau admirable.
Après la représentation, le public a demandé M. Spontini, M. Gardel et Mme Branchu, qui avait fait preuve de beaucoup de talent comme actrice et comme chanteuse.
On doit aussi de grands éloges à Lays, pour l’art avec lequel il a chanté les airs qui sont dans son rôle, à Lainez et à Mlle Maillard, pour le feu et la noblesse de leur jeu.
Cette représentation a été embellie par la présence de S. M. l’impératrice. À son entrée dans la salle, tous les spectateurs se sont empressés d’exprimer, par des applaudissemens prolongés, la vive satisfaction que sa présence excitait. À son départ, S. M. a été saluée de nouveau par des applaudissemens universels.
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publication date : 21/09/23