Lettre de Salieri

Aux Auteurs du Journal.

Paris le 16 Mai 1784.

Messieurs,

La déclaration de M. le Chevalier Gluck, que je viens de lire dans votre Journal, est une nouvelles faveur que je reçois de ce grand homme, dont l’amitié veut faire rejaillir sur moi un rayon de sa gloire.

Il est vrai que j’ai écrit seul la musique de l’Opéra des Danaïdes ; mais je l’ai écrite entièrement sous sa direction, conduit par ses lumières & éclairé par son génie.

Le mérite des idées musicales est trop commun & trop peu de chose par lui-même, pour qu’on ait lieu d’en tirer vanité. C’est l’emploi qu’on en fait, c’est leur application aux paroles, c’est leur marche dramatique qui en constitue tout le prix & leur donne un mérite réel ; & tout ce qu’il y a de bon à cet égard dans l’Opéra des Danaïdes, je le dois à l’Auteur d’Iphigénie.

J’aurais donc manqué à la vérité& à la reconnaissance, si je n’avais pas profité de l’honneur qu’il a bien voulu me faire, en me permettant d’associer son nom au mien à la tête de cet ouvrage.

Je vous prie, Messieurs, de me faire le plaisir d’insérer cette déclaration dans un de vos plus prochains numéros, vous m’obligerez infiniment. J’ai l’honneur d’être, &c.

Signé, ANTOINE SALIERI.