Séance publique de l'Institut
INSTITUT DE FRANCE. SÉANCE PUBLIQUE DE L’ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS.
Samedi dernier a eu lieu la séance publique annuelle de l’Académie des Beaux-Arts, sous la présidence de M. Ambroise Thomas. Cette solennité avait attiré une affluence considérable de spectateurs, qui se réjouissaient tout haut de ce que cette fête de l’éloquence fût aussi redevenue une fête de l’harmonie. Pour nous, qui avons toujours soutenu la cause de l’Institut, nous ne pouvons qu’applaudir aux belles paroles qu’a prononcées M. Ambroise Thomas avant de proclamer les noms des lauréats de cette année. […] La séance dont nous rendons brièvement compte a commencé par l’exécution d’une ouverture de M. Rabuteau et s’est terminée par l’audition de la cantate de M. Salvayre, et l’on n’a pas manqué de remarquer que ces deux jeunes compositeurs sont l’un et l’autre élèves de MM. François Bazin et Ambroise Thomas. L’ouverture de M. Rabuteau est d’un goût tout à fait contemporain, je veux dire conçue d’après un plan et des tendances qui trahissent un aveugle admirateur de Mendelssohn et de Wagner. La 1re partie indique que ce musicien distingué connaît à fond l’ouverture de Tannhauser, et l’autre portion de son œuvre prouve qu’il n’a pas étudié sans profit l’ouverture de Mélusine. Non pas qu’on soit en droit de reprocher à M. Rabuteau de flagrantes réminiscences : la page que nous jugeons n’en contient point et décèle une main déjà fort exercée ; mais, au lieu d’antithèses cherchées, de dissonances continuelles et voulues, de lignes sans cesse brisées, nous eussions préféré un peu plus de sève mélodique et d’esprit français. L’école wagnérienne aura beau dire et beau faire, jamais nous ne prendrons de l’effarement pour de l’originalité, ni des combinaisons ingénieuses pour des idées franches et naturelles. La cantate à trois personnages de M. Salvayre ne pêche point par d’inutiles recherches de style, et l’on y reconnaît cependant un musicien qui possède l’art d’écrire pour l’orchestre et pour les voix. Ce jeune compositeur ne s’est pas encore complètement affranchi des souvenirs involontaires, et quelques-unes de ses mélodies rappellent de loin certaines phrases depuis longtemps connues ; mais nous lui pardonnons d’autant plus volontiers les vagues analogies que l’on découvre dans le tour de ses pensées musicales, qu’elles résultent de son goût prononcé pour les thèmes faciles à retenir. À une époque où l’on sacrifie le fond à la forme, où l’abus des procédés remplace l’imagination, nous nous garderons bien de nous montrer sévère envers un débutant qui semble n’être point infecté du mal wagnérien, et vouloir bien rester fidèle aux traditions d’élégance et de clarté de l’école française. Un trio comme celui qui termine la cantate de Calypso annonce d’ailleurs un esprit capable des plus heureux efforts, et nous croyons que M. Salvayre ne s’arrêtera point en si beau chemin. Il nous reste à le féliciter d’avoir eu de fort bons interprètes dans MM. Bosquin et Gailhard et dans la très sympathique Mlle Rose Devriès.
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Calypso (Victor Roussy)
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publication date : 13/09/23